- Qu?
Mais non!

Je n'ai fait que quelques pas et déjà, le voilà qui se dresse devant moi. Je le percute même légèrement, ne m'attendant absolument à ce qu'il se lève ainsi pour me devancer. Il voulait un bonjour, je lui ai dit alors là, j'avoue ne pas comprendre sa réaction.

- De un ceci n'était pas un "bonjour" acceptable. De deux tu auras plus que le temps étant donné que je suis en retard aussi je ne viendrais pas te chercher avant 14h, voir 15h... Et de trois: tu sors souvent en mini-short pour te balader sur l'Archangel?

"- Tu as demandé un bonjour, je t'ai dit bonjour. Tu n'avais rien précisé d'autre.
Si tu es déjà en retard, ne vaudrait-il pas mieux que tu te lèves aussi alors? Pour venir me chercher plus vite, par exemple.
Quand au trois... C'est quoi cette question au juste? "

Parce que ce n'est pas comme si je portais quasiment tous les jours la même tenue, elle aussi composée d'un short plutôt court alors je ne vois vraiment pas ou est le problème. Enfin, lui qui souriais quand même, le voilà qui est devenu trop sérieux tout en faisant la tête. Ce qui m'interpelle un peu quand même.  

- Tout l'équipage t'as vu comme ça? Combien de soldat?

"- Tu n'as qu'à demander à Carl ou à n'importe quel autre membre de ta garde. C'est leur travail après tout, de me surveiller. Ils seront ravis de te faire un rapport détaillé de mes tenues, j'en suis certaine.
Maintenant, si ta crise est passée, tu m'excuseras mais j'ai encore du travail. "

Comme si je n'avais rien de mieux à faire que de me promener en zone de trêve en pyjama. Ce n'est pas comme si les lieux restaient dangereux non plus. Et honnêtement, que ce soit le seul sujet qui le préoccupe, je ne sais pas pourquoi mais cela me gêne. Il n'y a donc que ma tenue qui l'interroge? Alors oui, je fuis la conversation. Elle n'a aucun intérêt de toute façon. Et puis, lui aussi a du travail alors je ne le retiendrais pas plus longtemps. Comme quoi, dormir plus ne me réussis pas vraiment, on dirait.

"- J'ai l'impression d'entendre ton cousin... "

Lui aussi va venir me reprocher mes tenues et tout ce qui va avec? Il le sait pourtant, que je m'habille toujours ainsi en plus. Enfin, je me suis décalée pour venir saisir le peignoir accroché à côté de la tête de mon lit avant de l'enfiler et de bien le fermer. Voilà, comme ça, pas d'incident diplomatique. Mais je reste un peu contrariée malgré tout alors que je descend bien ma manche sur mon poignet avant de quitter rapidement le dortoir. Allez, une douche rapide, on s'habille et on se remet au travail. Comme au palatin...

Cela fait déjà 3 fois que Carl tente de me faire décrocher de cette manipulation mais je ne l'écoute pas. Je crois qu'en fait, je ne veux juste pas l'entendre. Tant que je serais concentrée là-dessus, je ne penserais à rien d'autre et cela m'arrange. Je ne veux réfléchir à rien. Mais son insistance finit par avoir le dessus sur toute ma volonté et je viens abandonner le AGE Builder avant de le suivre en direction d'un des points de repas pour déjeuner.

Mon premier réflexe est bien de regarder ma montre. 14h30. Bêtement, mon regard le cherche avant de revenir se porter sur mon plateau repas qui ne me parait pas du tout appétissant. En fait, je crois que j'irais bien me recoucher. Peut-être que comme ça, je pourrais me réveiller de nouveau au calme. Je grignote plus que je ne mange avant de venir simplement laisser ma tête se perdre dans mes bras croisés. Oui, un peu de repos, ce sera bien. Après ça, j'y retournerais de nouveau.

Il a raison, je commence à fatiguer. Je peux le sentir aussi même si je ne m'en rendais pas compte avant. Je peine à émerger lorsque mon portable sonne pour me sortir de cette sieste programmée et de réaliser la présence d'un clone assis à côté de moi, je ne peux retenir un mouvement de recul et une réaction de frayeur. Non, tout va bien cette fois, pas de punition ni rien. Alors on respire profondément avant d'aller se passer un grand coup d'eau sur le visage. Et que mes doigts ne viennent jouer avec l'anneau attaché à mon poignet.

"- Ce n'est rien, vraiment... "

Je ne sais pas trop si je m'adresse à Carl ou davantage à moi-même mais je ne retiens pas mon soupir avant de venir rejoindre mon garde du corps et de revenir à ma mission première : l'étude de toute cette technologie. Il devait aussi avoir plus de travail qu'il ne voulait bien le croire. Oui, c'est dur d'être Roi.

Bien que je sois repartie me perdre dans les explications autour du AGE Builder, je ne peux empêcher mon regard de guetter la porte ou de revenir tomber sur ma montre. Il doit avoir fort à faire, il est normal qu'il n'ait pas pu revenir. Alors, je tente de laisser cette idée de côté avant de me replonger dans l'étude de cette machine. Mais je peine à vraiment rester concentrée. Ce doit être un effet de la fatigue, j'ai un peu la tête ailleurs.

Mes notes s'accumulent alors que je délaisse la mécanique pure pour ce soir. Je sens que je ne suis pas très sereine et une fausse manipulation pourrait vite arriver. Mais je sais que je ne saurais pas me reposer alors autant continuer autrement. Carl est venu me proposer une pause récemment, que j'ai déclinée poliment d'ailleurs. J'ai dis que j'avancerais, c'est ce que je ferais. De mon mieux, toujours.

- Ah, Majesté!
Elle vous a guetté toute l'après-midi.
La Conseillère semble un peu plus nerveuse aujourd'hui mais elle refuse de prendre une pause supplémentaire.

En effet, alors que je terminais que relire mes dernières notes, une simple interrogation de la part d'un des hommes copie me fait reculer un peu brusquement sur ma chaise. Oui, j'ai bien compris l'utilité de cette dérivation. Personne n'y touchera, elle est essentielle au bon fonctionnement de la machine. Merci. Et je soupire un peu alors qu'il s'éloigne de nouveau. Pff, je commence à le sentir au niveau des épaules, que cela tire un peu. D'ailleurs je viens les remuer un peu avant de faire pareil avec ma nuque. Bon, cette page là d'abord puis celle-ci.

- Conseillère?

A peine sa voix a t'elle retentit dans la salle que je me redresse, comme pour essayer de me donner meilleure allure que ce que je n'ai déjà. Mes notes sont toutes à portées de main mais en me tenant un peu plus droite, je ferais surement plus illusion. Mais ses mains qui sont déjà venues se placer sur mes épaules me tirent une expression un peu gênée. Je ne sais pas ce qu'il a vu mais ça, il l'a remarqué. Bon, et si je lui répondais?

"- Majesté. "

- C'est l'heure de faire une pause.
Allons dehors? Pour marcher un peu.

"- Très bien. Je ... "

Je suis incapable de continuer ma phrase. Si je le vouvoie, il va encore mal le prendre? Mais il y a des soldats de la Cité aussi et ce ne serait pas sérieux. Résultat, je ne sais même plus comment lui parler. Allez, on se calme, ce n'est rien.

"- C'est une bonne idée, j'arrive. "

Voilà, comme ça, je ne peux pas avoir fait d'erreur. Je récupère l'intégralité de mes papiers, ce qui représente un joli tas de feuilles avant de me lever et de lui emboîter le pas, quitte à remonter à sa hauteur. Il n'a pas l'air très en forme, j'espère que sa journée n'a pas été trop compliquée. Carl me déleste de mes notes avant de nous ouvrir la porte et l'air frais de ce début de soirée me fait du bien. J'aurais du sortir un peu plus tôt, l'ambiance me semble moins pesante ici.

- Tu as déjà dîner?

"- Non, pas encore. Je comptais y aller."

Enfin, Carl aurait fini par me sortir de mes dossiers en cours pour me traîner là-bas. Comme je n'ai pas beaucoup mangé ce midi, je crois que je commence aussi à avoir faim mais ce n'est pas grand chose, cela peut attendre. Nos gardes reculent un peu et dehors à cette heure, personne ne prête réellement attention à nous. Tant mieux.

- Ça a été... ta journée?

"- Je n'ai pas été aussi efficace que je l'aurais voulu mais j'ai pu avancer quand même.... Tu dois avoir raison, je dois être plus fatiguée que je ne le croyais. "

Si lui m'a tutoyé juste avant, je dois pouvoir faire pareil, non? Je ne savais pas comment m'adresser à lui mais là, s'il n'y a personne autour, cela devrait passer. Et puis, je crois que c'est plus facile aussi pour moi. Le 'tu' m'est devenu naturel en sa simple présence.

"- Tu as eu plus de travail que prévu? La trêve a l'air de tenir de mon point de vue mais je sais qu'il y a eu des tensions aussi alors... "

Moi, je crains plus les Asrans et les souvenirs qu'ils provoquent en moi que les quelques petites frictions qu'il y a eu entre les soldats des deux camps. Juste des mots, pas de gestes ni rien de plus. Je suis revenue me placer à ses côtés, pour rester à sa hauteur, sans m'approcher plus. Il a son masque de roi alors, il ne faudrait pas qu'il le perde ici pour moi. Je devrais peut-être essayer de faire pareil?

- Je peux me joindre à toi?

"- Bien sur, je t'en prie."

Carl cessera surement de revenir me rappeler du coup que le repas ne doit pas être englouti en 5 minutes chrono pour retourner travailler par la suite. Oui, je sais qu'il a raison mais ici, il n'y a rien d'autre que les machines pour moi alors oui, je passe mon temps dessus. Mine de rien, cela a aussi été très utile, mes recherches sont bien avancées, mais je sens aussi que je le fais un peu à mes dépens. Bien que je refuse de le trop le reconnaître.

- Non... Mais comme tu semblais avoir beaucoup de travail j'ai... laissé tomber l'idée de l'après-midi en tête à tête? Les soldats étaient heureux de me voir, ça à rassurer tout le monde... Tout le monde sauf toi, je t'ai vu sursauter quand l'un d'eux t'a approchée. Ils te font peur?

"- Oui et non? Ils sont tous tellement identiques, si linéaires, c'est assez perturbant en fait. Et puis... Leur voix résonne toujours, même si c'est en arrière plan. Alors à chaque fois, j'y repense et... "

Mes doigts sont clairement venus se resserrer autour des siens, comme pour y chercher une solution que je ne possède pas ou un soutien dont je manque. Il y a tant de choses dont je ne peux parler à personne, même pas à Carl. Alors oui, cela me rend aussi les choses un peu plus compliquées que je ne l'aurais cru. Je n'arrive pas à me sentir réellement en sécurité ici, en raison de la présence si nombreuse de tous ces clones. Comme s'ils étaient partout. Et mes pas nous rapprochent un peu, venant presque me coller à lui sans nous empêcher de marcher.

"- Je représente le Royaume et... je dois faire bonne figure aussi, valider la trêve et avancer les recherches... Mais comment donner confiance aux autres quand moi... Je n'y arrive pas?... Pas avec tous ces 'eux'.
Alors, je doute..."

Et je m'enferme dans mes devoirs d'ingénieure pour ne pas avoir à affronter le reste. Oui, les soldats de la Cité ne m'inquiètent pas vraiment. Car un soldat, peu importe son camp, reçoit le même entrainement et répond aux mêmes valeurs. Alors que les clones n'obéissent qu'à Valdam et cela change toute la donne, forcément. Heureusement que je suis là en tant qu'Ingénieure et pas comme Conseillère car je ne pense pas que je parviendrais à tenir ce rôle. Alors forcément, entendre de nouveau les mêmes remarques que celles de Mitsuki de sa part, je n'ai pas su le gérer, déjà trop nerveuse bien que je le cache de mon mieux.  

- Si tu doutes de ces envoyés ce n'est rien mais... Fais moi confiance, fais confiance à mon oncle et fais confiance à notre armée et à nos machines qui nous entourent pour nous protéger. Si leur ressemblance te dérange demande à ceux qui sont toujours près du AGE Builders de se différencier? Si l'un attache ses cheveux, que l'autre se laisse pousser la moustache et que le dernier vient avec du maquillage ça devrait le faire non?
Et soyons fou, demandons à l'un de parler le nez pincé, à l'autre de prendre une voix aiguë ou une voix grave. Ça t'aiderait? Je peux aller leur parler s'il le faut!

"- Non merci... ça ira comme ça."

Il n'empêche que je me suis mise à rire pour le coup. Son idée est tellement saugrenue, elle me parait tellement sortie de nulle part. Evidemment que j'ai essayé d'imaginer cela et franchement.... Non, il vaut mieux qu'ils restent tous pareil, ce serait encore pire sinon. Personne ne comprendrait plus rien et puis je ne suis pas certaine que Valdam apprécierait. Enfin, en tout cas, ça fait du bien de rire. Je me sens plus légère d'un coup.

- Je m'occupe de la trêve, mon oncle s'occupe de la Cité et des clones, occupe toi des machines...

"- D'accord... "

Cela me parait faisable. Chacun sa tâche pour se montrer plus efficace. Et puis, je leur fais confiance pour le reste. Juste  que toute seule ici, ce n'était pas aussi facile que d'habitude, de faire même simplement abstraction de tout ce que leur présence ravivait aussi.

- ... Et occupe toi de toi. D'accord? Retournons sur l'Archangel avant que la nuit ne tombe, tu as besoin de retirer ce masque que tu n'as jamais porté auparavant, d'un dîner, d'une douche, et surtout d'un très gros câlin.

"- Merci...."

C'est idiot mais je crois que je craignais qu'il ne m'en veuille un peu aussi, de ne pas réussir à faire aussi bien que je le devais. C'est difficile, vraiment. Je fais de mon mieux mais je ne suis pas aussi forte que lui. Alors, qu'il soit simplement là avec moi, ça me rassure, vraiment. Surtout quand il sourit de la sorte, rien qu'à mon intention.

"- Je veux bien remonter me reposer un peu. Avec toi... "

Mes doigts n'ont pas quittés le siens et viennent doucement jouer avec. Oui, cela m'avait manqué mais c’est aussi ça, être Conseillère. Avoir des responsabilités à tenir, devoir assumer son rôle et sa position aussi, même si c’est difficile.

- Il n'y a pas une minute à perdre. Je lance dès à présent l'opération spéciale et top secrète: un lutin remit en forme!

Je me demande bien ce qu'ils ont tous avec ce satané lutin. Si ça continue, tout le monde va finir par m'appeler comme cela. Enfin, je lui emboîte le pas, mes doigts toujours calés dans les siens. Je suis presque obligée de trottiner sur la fin car il avance bien plus vite maintenant mais cela n'efface pas mon sourire. Nous saluons quelques soldats sur le chemin avant de nous retrouver à bord du vaisseau du royaume avant d'arriver devant la cabine réservée à Kougami.

- Nous ne craignons rien dans cette cabine, Carl, pouvez-vous aller chercher le sac de Kalicko? Inna, deux plateaux repas pour dans une vingtaine de minutes s'il te plaît.
- M-
- Merci!

Déjà la porte se referme sans laisser le temps à Inna de venir râler davantage. Parce que je me doute qu'elle ne va pas s'en priver. Mais visiblement, le Roi s'en moque complètement revenant s'approcher de moi pour déposer son front contre le mien alors que ses mains se sont déposées sur mes hanches, rendant mon sourire un peu plus franc et marqué. Son regard si brillant est au moins aussi rassurant que ses gestes.

- Toi je ne te laisse pas le choix non plus, tu files sous la douche tout de suite. Enfin si, tu as le choix: avec ou sans moi.

"- Mais !"

Tu parles d'un choix. Je parie que de toute façon, il viendra. Et bêtement, ma tête se baisse un peu alors que je sens le rouge remonter à mes joues. Je peux me débrouiller seule, je le sais bien mais... Maintenant qu'il est là, j'ai du mal à le lâcher aussi. Je ne suis pas très douée quand il s'agit de sentiments mais là, je sens bien que mon coeur le réclame. Lui, sa chaleur et cet apaisement qui le suit à chaque fois.

"- S'il te plait... "

Je n'arriverais pas à en demander plus mais mes doigts resserré autour des siens alors que je viens me caler dans ses bras devraient être une réponse suffisante. Oui, il m'a manqué même si je faisais tout pour ne surtout pas y penser. Alors, maintenant qu'il est là, j'ai peur qu'il s'éloigne trop vite.

Et si je me détache un peu de lui, ce n'est que pour me diriger vers la salle de bain sans l'avoir lâché pour autant. J'ai toujours le visage particulièrement coloré alors que mon sourire demeure. Il va encore en profiter pour se jouer de mes rougissements ou autre mais je m'en fiche. Tant qu'il est là, avec moi,cela me va.