En venant jeter un nouveau coup d'oeil à l'état des MS présents dans le hangar, je peux me rendre compte sans mal qu'en réalité, aucun d'entre eux n'est revenu en parfait état. Tous auront besoin d'un minimum de réparation, même si pour certains il s'agira uniquement de redresser un peu de tôle froissée. Encore une preuve que les combats se sont révélés bien plus destructeurs que je ne voulais bien le croire. D'ailleurs, ce ne sont pas les emplacements libres à présent qui diront le contraire. Mais je chasse ces pensées pour venir me pencher sur la première machine à ma portée. Le Kagerou.

Etant venue m'atteler à réparer sa machine, je me suis demandé si je ne devrais pas aller le voir suite à notre rencontre de la veille mais une fois mon intervention terminée sur cet appareil, Carl m'interpelle avant de m'inviter à venir manger un peu. J'accepte le sandwich qu'il me tend avant de sortir un peu, profitant de cette pause pour venir remercier comme il se doit le Dragon Vert de son aide. La Magius est là également avec Njüt, qui semble ravi de pouvoir venir embêter son frère. C'est une scène touchante bien que restant particulièrement impressionnante. Et n'ayant pas vraiment faim, je laisse le dragonnet venir profiter de mon repas à ma place. Autant qu'il ne soit pas perdu pour tout le monde.

Ma pause terminée, je rejoins de nouveau le hangar ou cette fois je me retrouve appelée par une des équipes sur place. Je laisse donc de côté l'idée de venir vérifier le Strike Freedom pour venir prêter mains fortes aux mécaniciens. Et en effet, nous voilà devant un problème de taille. Si le blindage a tenu, la décharge électrique à elle atteint le coeur des systèmes ce qui nous oblige à venir déplacer les plaques du torse de la machine avant de parvenir à vérifier les circuits. Plusieurs sont abîmés et forcément, les plus gravement brûlés sont aussi les moins facilement accessibles.

Armée d'une lampe frontale, de quelques outils de base et de ce harnais qui pour le coup me gêne plus qu'autre chose, je viens m'enfoncer dans les entrailles de la machine. Chaque fois que je remarque ou repère un souci dans les câbles et autres mécanismes, je le signale aux ingénieurs restés dehors qui viennent prendre en note la réparation à apporter. Certaines petites réparations sont effectuées en direct, lorsqu'il s'agit de modifications de base mais ces dernières restent rares. Au final, j'ai parcouru la quasi intégralité de la machine avant de sentir des pressions plus marquées contre le harnais. L'équipe a besoin que je remonte.  

Je grogne un peu en soupirant avant de revenir m'extraire des entrailles de la machine. Pour le coup, la lumière du hangar m'agresse un peu et je viens aussitôt leur annoncer les dernières réparations à effectuer avant de remarquer la présence de Kougami. Il a de nouveau l'air passablement fatigué, cela se voit d'ici. Enfin, je prend le temps de finir mes explications et vérifie que tout est bien été pris en note avant de venir retirer le harnais pour descendre de la machine et rejoindre Carl et Kougami. Par contre, assurer mes pas serait mieux, j'ai manqué de trébucher en arrivant au sol.

"- Est-ce que... tout va bien ?"

D'en haut, il semblait plus fatigué qu'inquiet mais là, Carl le semble aussi alors frocément, je m'interroge un peu.

- La prochaine fois, tu ne détaches pas ton harnais tant que tu n'es pas à terre, Compris?
"- Oui, compris... "

Sur le coup, je ne peux m'empêcher de me demander ce qu'il s'est passé, ne parvenant pas à saisir la raison de son ton soudain si sérieux. Surement que la journée à encore du être passablement compliqué. Et puis, je suis bien dans ses bras alors je ne cherche absolument pas à me détacher de son emprise. Mais je dois quand même me redresser un peu et me tenir mieux. Voilà, comme ça.

- Nous ne craignons rien à bord du vaisseau et Sam sera bientôt de retour, prenez votre soirée pour souffler, Carl.
- Merci Majesté. Bonne soirée.
- Allez, c'est l'heure de manger, sans partager avec un dragon, direction la cantine.

Oh, il le sait déjà? Bon, en fait, nous n'avons pas vraiment partagé puisque c'est lui qui a quasiment tout mangé mais ce n'est qu'un détail. Après, je n'ai pas spécialement faim mais je le suis de bonne grâce. Je crois que me poser un peu me fera du bien aussi. Sam nous rejoint comme il l'avait prévu et nous escorte jusqu'au réfectoire, assez peu rempli. Comme quoi, le fait de manger n'est pas une priorité, ce n'est pas que moi.  

- Ta mère est là, tu veux manger avec elle?
"- Eh bien... Elle a l'air d'avoir plus besoin de repos que de compagnie alors... J'irais simplement la saluer, pour ne pas la déranger. "
- Va t'asseoir, je vais chercher nos plateaux.

Ses traits sont tellement tirés, ses cheveux défaits et sa tenue poussiéreuse et abîmée ne font que revenir ses images que je tente de fuir de mon mieux depuis cette nuit. Et encore, je suis persuadée qu'elle a du voir et même vivre bien pire. Et si je suis incroyablement soulagée de la découvrir entière face à moi, je ne veux surtout pas m'imposer. Après tout ça, nous avons tous besoin de repos alors je refuse de l'importuner plus que nécessaire. Mais j'ai malgré tout besoin de m'assurer qu'elle va bien avant. Aussi, je viens me rapprocher doucement avant de venir attirer son attention. Son regard était complètement ailleurs.

"- Bonsoir, Capitaine. "

Conseillère, mes hommages.

Si je voudrais venir lui poser beaucoup de questions, aucune ne parvient à franchir mes lèvres pour autant. Elle semble étrangement éteinte et la voir ainsi m'est tellement inhabituel que je ne sais pas vraiment comment réagir face à sa fatigue. Oui, elle a besoin de repos avant tout alors, il vaut mieux que je la laisse manger en paix pour qu'elle puisse vite aller de reposer.

- Bonsoir Almendra!
- Bonsoir Capitaine Naoki.
Majesté, Commandant Bradley
- La nuit et la journée ont été longues, un bon repas nous fera du bien.

Ma mère acquiesce de la tête tout en laissant le Roi et son garde du corps s'installer tranquillement à table avec elle. Evidemment, je viens faire de même bien que je ne me sente pas vraiment prêt à manger. Peut-être que de les voir dîner finira par me donner faim? En attendant, je viens picorer plus qu'autre chose, m'assurant silencieusement de l'état de ma mère. Elle est fatiguée certes mais elle ne semble pas blessée et ce constat me rassure vraiment. Pas au point de me donner faim mais de dénouer un peu ma gorge un peu, si.

- Vous avez croisé Reed aujourd'hui? Il n'était pas très en forme ce matin en revenant de mission.

Je n'ai pu que l'apercevoir de loin pour le moment mais je comptais prendre de ses nouvelles une fois mon repas terminé.

- En tout cas c'est bien votre fils, mais j'espère que les gifles sur la petite dernière ce n'est pas une habitude qui se répète trop souvent.

Quoi ? Mais non, il n'a pas dit ça, n'est-ce pas? Ma mère déjà un peu interpellée par sa première question semblait chercher le lien entre elle et Reed sans s'attendre à ce denier, c'est évident. Son regard surpris quitte le Roi pour venir se poser sur moi, comme si elle cherchait un reste de marque sur mon visage pour attester ses dires. Et à part baisser le regard sous son regard perçant, je ne parviens qu'à déglutir difficilement.

Non, ce n'est pas... Jamais il n'avait...
*soupire profond* Kalicko, qu'est-ce que tu as encore fait ?

Sa question me prend de court. Son ton n'est nullement agressif, plutôt épuisé et même un peu inquiet. Elle nous connait assez pour comprendre que ce genre de geste de sa part et à mon égard n'est pas anodin mais elle sans en savoir plus, la voilà qui demeure désemparée. Surement parce qu'elle se souvient aussi de sa propre gifle, inconsidérée et qu'elle regrette encore alors forcément, maintenant elle veut savoir. Mais comment lui dire ? Calmement déjà, ce sera un bon début.

"- En se posant sur l'Archangel, le Dragon Vert avait brouillé toutes les antennes de réception alors je lui ai demandé ..."
Elle a littéralement engueulé un reptile géant capable de broyer tout un vaisseau entre ses griffes devant tout le monde. Voilà ce qu'elle a fait !

Je ne l'avais pas du tout senti arriver et le voir s'installer à table à côté de ma mère comme si de rien n'était en venant déballer cela le plus naturellement du monde me laisse sans voix. Il semble calme à présent, même si je sens sa contrariété lorsqu'il vient raconter cet épisode mais visiblement, la colère et la panique sont loin à présent. Au moins un bon point ?

"- J'ai fait mon travail comme vous le votre. Je suis la responsable de l'Archangel et laisser le vaisseau aveugle en pleine zone de combat était risquer de tous nous condamner. Et je lui ai seulement demander de reculer un peu, c'est tout !"

Qu'il ne vienne pas me reprocher de faire de mon mieux. Pas lui qui m'a toujours incité à faire tout ce que je pouvais, pas maintenant et pas devant eux. Je n'ai même pas à me justifier mais je ne sais pas, il fallait que je le dise, c'est tout.

- Tu as très bien fait chérie, tu n'as pas à te justifier comme ça.
- Surtout que vous connaissez ce dragon, ça fait tout de même trois fois que vous le croisez, il vous écoute attentivement à chaque fois.
- Tu lui as même fait accepter une trêve et il t'a offert un œuf. Autant dire que bouger ses pattes ce n'était rien à côté.

Oui, je sais tout cela. Pourtant, je ne peux nier que maintenant, avec le recul, j'en viens réellement à me demander si j'ai agis comme il le fallait. Je me souviens de ma panique, de la tension qui régnait sur la passerelle après mon message, du souffle de soulagement profond qui a parcouru les lieux quand enfin les communications ont été rétablies mais pour moi, tout cela ne peut pas simplement être lié à mes paroles. Il y avait les combats dehors, le nid d'insectes, des blessés, des morts et... C'était tellement plus important que ce petit détail.

Je ne critique pas le résultat mais vous qui étiez présent à ses côtés, Commandant Bradley, osez me dire que vous n'avez pas vous aussi retenu votre souffle en craignant un malentendu de la part d'une telle créature...
"- Mais il n'y a pas eu de malentendu. Il a parfaitement compris."
C'est le principal, en effet. Tout est bien qui finit bien alors je pense que nous pouvons dire que cette parenthèse est terminée à présent.
Mais ne refais jamais ça, s'il te plait.
Sur un champs de bataille, c'est aux militaires de se salir les mains, pas à toi...
Maman a raison. Nous on a été entraîné à gérer tout ça, on a appris à vivre avec et à devoir tout assumer. Les victoires comme les défaites, la survie comme la mort. C'est notre rôle et notre devoir. Mais à nous, l'armée.
Tu en fais déjà beaucoup, trop même, alors ne te rajoute pas ce poids-là. Laisse-le nous. Rien que de voir tout ça, tu n'en as déjà pas dormi, je me trompe?

Evidemment, je ne peux rien répondre à sa dernière phrase. Qui de toute façon ne m'est pas réellement destinée, son regard comme celui de ma mère venus chercher celui du Roi. Et j'ai bien compris l'idée cachée derrière ses mots. Je n'ai pas l'habitude de tout cela et si je venais à commettre une erreur, je ne sais pas si dans ce genre de cas, je pourrais me la pardonner. Mais je ne pouvais simplement pas rester là à regarder tout cela sans rien faire. Alors oui, ce n'était pas ainsi que j'aurais du m'exprimer mais je l'ai fait. Et je leur ai fait peur, je le regrette mais si c'était à refaire, je recommencerais de la même façon. Parce que moi aussi je devais les protéger et que c'était tout ce que je pouvais faire.

- Il faut que tu manges chérie, essaye, s'il te plaît.
Avec du pain. Cela passe toujours mieux, non?
"- Un peu, oui..."

L'avantage du pain reste que cela demeure consistant alors même si je mange peu, au moins cela remplit correctement l'estomac. Alors le principe des tartines à tout risque de revenir à la mode. Même si je ne suis pas vraiment emballée, je viens saisir un morceau de pain que je vais tremper dans mon assiette avant de venir le manger. Oui, comme ça, ça passe. Mais à petites bouchées et lentement. Le temps que ma gorge se dénoue également.

Je suis désolé. Sur ce coup-là, j'ai pas assuré. J'espère juste que tu pourras me pardonner, un de ces jours.
Toi aussi, tu mérites des claques ...

Ca, aucun de nous d'eux n'en doute. Pour un peu, j'en viendrais presque à sourire de sa remarque. Enfin, au moins la tension semble s'être en partie dissipée. Je crois que nous avons tous sérieusement besoin de repos maintenant. Et même si j'ai bien plus sommeil à présent que faim, je viens me forcer à manger encore un peu. Ce n'est pas comme si 4 paire d'yeux ne me lâchaient pas pour s'en assurer.

Le repas se termine dans une ambiance moins lourde mais guère plus animée. Je crois que nous avons tous des choses à digérer encore alors autant éviter de relancer un sujet qui risquerait encore de contrarier l'un d'entre nous. Ma mère réellement épuisée est la première à quitter la table, suivit de près par Reed qui doit rejoindre son poste. Je force encore 2 bouchées avant d'abandonner pour ce soir et viens suivre Kougami en direction de notre cabine, toujours escortés par Sam.  

- J'ai envie de te serrer dans mes bras jusqu'à l'aube.

Oui, moi aussi. D'ailleurs, même en marchant je sens que je viens m'appuyer un peu plus contre lui, son bras demeuré dans mon dos se révélant un support plus que bienvenue. Arrivés à destination, nous saluons Sam et sa relève avant de venir nous isoler dans cette cabine qui nous est réservée. Et déjà, ses bras qui viennent me capturer me tirent un soupir de soulagement. Oui, j'en avais besoin, simplement de sa présence, si proche et si vivante.

- Ce soir, je m'occupe de toi, rien que de toi.

Ses pas me guident et je les suis sans même y prêter attention. Ces derniers nous rapprochent du bureau sur lequel je note la présence nouvelle d'un poste de musique que déjà le Roi vient allumer avant d'y glisser un CD présent. Et sur un baiser de sa part, la musique se lance, révélant des notes connues qui viennent doucement faire naître un sourire timide sur mes lèvres.

- Oublie tout, tout sauf nous.

Ainsi calée dans ses bras, je ne doute nullement d'y arriver. Son front contre le mien est un contact apaisant et déjà, mes mouvements viennent naturellement suivre les siens. Cette fois, je ne chercherais pas un seul instant à fuir. J'ai trop besoin de sa présence et de sa chaleur pour ne serait-ce qu'esquisser un pas pour m'écarter de lui. Et je viens laisser la musique venir nous envelopper totalement et me conduire ailleurs. Loin de la Cité, de l'Archangel, des champs de bataille et des insectes.  

Pourtant, malgré tous mes efforts, je ne parviens pas à chasser toutes ces images de ma tête. Toujours, elles reviennent. Insidieuses et subtiles, elles parasitent jusqu'à ce moment dont je ne demande pourtant qu'à profiter en sa compagnie. Et lentement, je sens les larmes me monter aux yeux alors que je m'accroche davantage à lui. Moi qui ne voulait pas l'inquiéter, cette fois, cela forcément raté mais je crois que là, j'ai juste besoin de tout laisser sortir, pour de bon.  

"- J'ai eu si peur... Je ne savais pas quoi faire... Juste regarder et attendre... Les machines qui disparaissaient... Les insectes partout... Ils ont raison... Je n'y arrive pas... Pas ça, c'est... trop dur, trop lourd... Je ne sais pas... "

S'il n'était pas là contre moi, presque à me porter, je sais que je me serais effondrée. Ce n'est pas tant l'absence de sommeil ou de nourriture que la frayeur et l'angoisse toujours ancrée qui m'épuisent totalement. Parce que je sais que rien n'est vraiment fini. Et je me dois de me rendre à l'évidence, je n'arrive plus à tout supporter ni a donner le change. La zone de trêve était déjà en soi un exercice plutôt ardu pour moi mais ça...

- C'était ta toute première bataille chérie... C'est normal que tu ne te sentes pas bien. Les soldats ont une longue préparation psychologique avant d'être envoyer sur le champs de bataille. Viens là, plus près de moi.

Si je n'étais pas déjà si proche de lui, je me serais jetée dans ses bras. Pour m'y blottir et m'y cacher. Y disparaître même. Ses gestes sont doux et apaisant, sa voix chaude et rassurante mais cela ne parviens pas à arrêter mes sanglots. Ces derniers me submergent totalement maintenant que j'ai fini par laisser mes inquiétudes remonter. Et comme une digue qui cède, tout ce que je cherchais encore à contenir de terreur et de panique ne réclame plus qu'une chose. Sortir, quitter mon corps, s'enfuir loin pour tenter de soulager ma conscience de ce poids encore trop écrasant.  

- Tu as très bien fait, tu t'en es bien sortie: tu t'es occupée de Njüt, tu as été là quand le commandant a eu besoin de toi. Grâce à notre venue, grâce à nous tous, de nombreuses vies ont pu être sauvées.
Laisse tout sortir, je suis là, je te tiens.

Mes doigts s’agrippent à lui comme jamais. Je sais qu'il est là et je ne l'en remercierais jamais assez. C'est lui qui le tient encore debout en cet instant et si j'ai honte de me sentir aussi faible entre ses bras, je suis aussi tellement soulagée de le sentir simplement là, avec moi. De ne pas entendre de nouveaux reproches. De pouvoir pleurer enfin sans crainte tout ce que je ne sais pas exprimer autrement.

- Désolé, j'aurais dû être plus présent pour toi...

Non, ne dis pas ça. Ce n'est pas ta faute. Tu es là et c'est tout ce qui compte. C'est moi qui suis fatiguée, qui n'arrive plus à suivre ce rythme encore nouveau. S'il te plait, ne t'excuses pas pour quelque chose dont tu n'es pas responsable. C'est moi qui... suis dépassée, tout simplement.  

"- Je voudrais... faire mieux... plus mais... je suis fatiguée... Et je ne veux pas... devenir un poid pour toi... pas alors que... tout se complique encore... J'ai peur de ne... plus arriver à suivre... De faire une erreur et...  "

Ils ont vu juste. Reed et ma mère avaient déjà compris. Je suis complètement submergée par tout ce qu'il vient de se passer mais je ne voulais pas le voir. A leur façon, ils essayent de me protéger en me forçant à ouvrir les yeux et affronter la vérité. Je veux bien faire, je fais bien mais... j'en fais trop. Et aujourd'hui, je suis à bout de nerfs et de forces.

"- Juste... rester avec toi... S'il te plait... "

Je t'en prie, ne me lâche pas. Laisse-moi juste reprendre mon souffle, réussir à me calmer et après, ça ira mieux. Ce n'est qu'une crise et maintenant que je l'ai laissée s'échapper, cela va passer.

- Ça va aller chérie, ça va aller.
Je suis toujours avec toi Lily. Et ce soir, cette nuit, je ne te lâcherais pas.

Ses doigts qui sont venus remonter le long de mon bras pour trouver ce bracelet qui ne me quitte plus sont aussi doux à ma peau que ses paroles le sont à mon âme. Je le crois, je lui fais confiance, aveuglément. Je le suis donc de la même façon alors que nous venons rejoindre le lit, toujours bercés par ce fond musical devenu calme et apaisé. Installée sur ses genoux, je ne peux m'empêcher de penser que je ne dois guère ressembler à autre chose qu'une enfant apeurée et épuisée, là où je voudrais être tellement plus. Les yeux clos, je ne peux que laisser sortir tout ce que je retenais encore, pour tenter enfin de me libérer de ce poids que je m'imposais de force.

- Tu en as fait tellement ces derniers temps... Mais il va falloir tenir juste encore un peu. Demain je dois parler de la paix avec la Cité mais au soir... Nous ferons décoller l'Archangel.

Nous, voilà le mot le plus important à mes oreilles. Même si je craque, bien que je n'arrive plus à rien d'autre qu'à pleurer dans ses bras, je compte toujours. C'est surement idiot mais je crois que j'étais tellement chamboulée que je ne croyais plus y avoir droit. Comme si je ne le méritais pas alors oui, l'entendre me soulage. Tellement.

- Mes bras ne suffisent pas à t'apporter assez de repos alors... Je vais te ramener au château, nous irons nous abriter dans notre suite et nous ferons venir les repas du chef... avec du pain si cela t'aide à manger même si ses petits plats devraient te faire retrouver l'appétit naturellement. Je t'emmènerais danser dans le grand salon ou dans la salle du trône, nous nous promènerons dans les jardins et... Et comme les soirées commencent à bien se rafraîchir nous aurons une bonne excuse pour mettre une bûche ou deux dans la cheminée et nous câliner devant le feu jusqu'à ce que le sommeil nous emporte.

"- Oui, je... le veux... aussi"

Les mots m'échappent un peu sans que je n'y réfléchisse vraiment. Bercée par ses paroles, je n'ai plus qu'une hâte. Retrouver ce cocon, ses repères encore récents mais devenus essentiels. Les sanglots se calment doucement alors que l'aube d'un sourire est revenu timidement apparaître sur mon visage à son discours. Juste un peu de calme, la danse, le feu de cheminée, les jardins. Et lui. Surtout lui. Quoi qu'il arrive, lui et moi, ensemble. Rien que ça.

- Je vais t'aider à te changer, tu seras plus à l'aise en pyjama.

"- Toi aussi... "

Qu'il prenne soin de moi m'est réellement plus que salutaire mais il ne faut pas qu'il s'oublie malgré tout. Je peine un peu à venir simplement desserrer mon étreinte mais lentement, je viens me redresser. Et tenter de lui sourire au travers de mon visage encore marqué par les larmes.

"- Merci... d’être là... Toujours... pour moi. "

Maintenant que le gros de la crise est passée, c'est comme si mes sanglots avaient emportés avec eux également ce qu'il me restait de force. Je me sens soudain accablée de fatigue et même me changer me parait être un effort épuisant. Je voudrais passer à la salle de bain mais peinant à simplement tenir debout, j'y renonce. Et puis, je ne veux pas m'éloigner de Kougami. Je ne suis pas changée que je me laisse tomber de nouveau sur le lit, m'y allongeant simplement en attendant qu'il me rejoigne pour venir me blottir de mon mieux auprès de lui. Sa chaleur, son souffle, sa présence, même son coeur un peu agité surement par ma faute, tout cela, j'en ai cruellement besoin. Et mes doigts à peine calés dans les siens, je sombre dans le sommeil. Ici, je ne crains rien alors, je peux me le permettre, de me reposer enfin.  

- Dors Lily, je veille sur toi.

Je sais. Je t'en remercie, sincèrement. Mais là, je ne suis même plus capable d'arriver à lui souhaiter une bonne nuit. Le sommeil est trop fort, la fatigue trop puissante et ce fut sur le coup comme si je me sentais aspirée dans un puits sans fond. Comme un appel si puissant qu'il résonne autant à travers mon esprit que dans mon corps. Et maintenant que j'ai cessé de lutter, m'abandonnant entièrement au repos venu me cueillir, c'est comme si soudain tout c'était enfin apaisé, en profondeur. Me permettant enfin de récupérer pour de bon.

Lentement, il y a comme un léger changement. Ma conscience est comme rappelée à la surface, venant se frayer un chemin au travers de la brume encore si épaisse qui enveloppe mon esprit comme pour le garder à l'abri. Mais ce contact doux et léger, comme une caresse qui se répète sans se montrer insistante, vient lentement forcer mon esprit à émerger. Au ralenti encore mais doucement et surement, le sommeil relâche son étreinte et vient s’éloigner un peu pour laisser la réalité reprendre sa place.  

- Lily. Ma douce. Le petit-déjeuner arrive.

"- Déjà ?..."

Les paupières toujours closes, je viens doucement chercher à reprendre possession de mon corps. Encore complètement engourdi, ce dernier ne semble pas décidé à suivre le réveil de mon esprit. Je tente de forcer sur mes paupières et parviens doucement à ouvrir les yeux. Il fait encore très sombre et mon corps proteste lorsque je viens essayer de simplement bouger un peu. Oui, je sais. Je resterais bien là encore un peu. Beaucoup même. Mais pas aujourd'hui. Bientôt.

"- Tu as bien dormi ? "

Je ne me suis pas sentie partir et sans ses mots, je crois que je ne me serais pas réveillée. Dans la pénombre de la chambre, je peine à deviner son état alors je voudrais être sure. Lui aussi, il a besoin de repos alors j'espère ne pas l'en avoir privé. Mes doigts viennent passer sur son visage alors que l'idée de devoir me lever me tire un soupir. Allez, un fois debout, cela ira mieux. Mais dans 5 minutes, est-ce que c'est possible, même à bord?

"- Désolée... pour hier soir... "