Selon ses dires, leur invité n'était pas pilote, mais ingénieur. Après de nombreux échecs, il pouvait se comprendre que l'UTI ait préféré changer de méthode... Mais au vu de la réaction de Christina - plus éclairée que lui sur la question -, Shinji ne savait quoi en penser exactement. Il demeura près du feu : même en ayant toujours sa combinaison, celle-ci ne suffisait pas à l'immuniser entièrement au froid extérieur.
Ils étaient en plein hiver, après tout, même si celui-ci semblait s'être calmé après les pannes électriques survenues récemment... L'adolescent ne pouvait s'empêcher de se sentir de trop dans cette conversation - d'avoir l'impression qu'il n'était pas censé l'entendre, bien que personne n'en ait fait la remarque. Bien sûr, il était curieux - mais cela concernait des affaires de la plus haute importance. Que venait-il faire là-dedans ?

« Comment ? » ne put-il s'empêcher d'intervenir une nouvelle fois, sceptique.

Neutraliser le canon ? Si facilement ?
Shinji connaissait peu de choses aux fonctions d'un ingénieur - les grandes lignes, tout au plus -, mais même avec l'avance technologique des colonies, il avait du mal à croire qu'un seul d'entre eux puisse en venir à bout.
D'autant que le sac qu'il présentait devant eux n'était pas vraiment massif... Que pouvait-il bien avoir là-dedans ? Shinji n'eut pas vraiment le temps d'y réfléchir avant qu'il les interroge sur l'état des relations entre la Cité et la Capitale, annonçant qu'un de ses pairs y avait été envoyé ; le malaise s'installa directement.

« Euh... Pas vraiment. » Il lança un regard penaud vers Christina ; il n'y avait pas vraiment de bonne manière de répondre à cette question... « En fait... Nous sommes en guerre. »

Si c'était loin d'être le plus important en l'état, Shinji ne put s'empêcher de s'étonner que quelqu'un prenne le moindre plaisir à avaler ces rations - qu'il trouvait pour sa part pratiquement immangeable. Soit il était réellement affamé, soit la nourriture des colonies était plus mauvaise encore.
Voilà donc un domaine où il n'avait jamais pensé à se renseigner auprès de Christina ; celle-ci se montrant réceptive à ses quelques compétences en cuisine dans leur globalité, il n'avait pas éprouvé le besoin de l'interroger sur ses plats préférés.
Il partait de toute façon du principe que les colonies possédaient des plats incapables à reproduire sur Terre, les divers ingrédients à leur disposition devant être bien différents. Qu'est-ce qu'on peut bien cultiver dans l'espace ?

De son côté, Christina vint appuyer ses propos, convainquant le voyageur des étoiles de faire une croix sur toute tentative de communication - mais celui-ci semblait avoir une idée derrière la tête. S'il ne posa pas de question, Shinji était curieux et inquiet tout à la fois ; il ne pouvait qu'espérer que son insistance à vouloir contacter quelqu'un dans le camp d'en face ne finirait pas par leur attirer des ennuis. S'il ne l'avait vu descendre depuis les cieux à travers la barrière, il aurait pu le prendre pour un espion...

« Il y a de grosses créatures dans les parages. » l'informa Shinji à sa demande. Il jeta un regard vers l'Overlord : « Ce n'est normalement pas un problème à bord d'une machine... Mais il vaut mieux ne pas rester dehors. »

Pour ce qui est de l'empereur...
Ses yeux se tournèrent vers Christina, qui serait peut-être plus à même de répondre que lui. Il ne l'avait jamais rencontré, après tout ; et quels que soient ses aprioris négatifs, il était peu probable qu'on tienne compte de l'avis d'un enfant de son âge sur un personnage politique.
Il avait peut-être assuré la gestion administrative de la Cité en tant que Prince du Sénat, mais n'en restait pas moins un gamin de seize ans - et leur visiteur n'avait de toute façon pas besoin de le savoir.

Par ailleurs, Christina avait raison : ils auraient tout le temps de parler une fois en sécurité. Même s'il était probable qu'ils entendraient l'un de ces monstres arriver de loin, peu de ceux-ci connaissant la discrétion, ils n'avaient rien à gagner à s'attarder ici - sinon prendre des risques inutiles. Étaient-ils censés ne ramener que lui, ou emporter sa navette également ?...

Christina semblait se faire la même réflexion que lui sur une possible communication entre les deux nations, à ceci près qu'elle osait le formuler à voix haute. Preuve en est que son raisonnement n'était pas dénué de sens. Leur invité déclara cependant ne pas en faire une priorité - et c'était tant mieux : il y avait effectivement bien plus urgent.
À commencer par la raison première de sa présence ici. Cela allait déjà demander un temps de préparation ; s'y atteler le plus tôt possible ne serait pas de trop. Une rapide discussion décidant que Sasuke monterait à bord avec Christina, Shinji examina pour sa part ce à bord de quoi il était arrivé.

« Ce n'est pas dangereux de laisser la navette ici ? » demanda Shinji à tout hasard.

Il n'avait aucune idée de comment marchait exactement cet engin ; ça n'avait pas l'air d'être un vaisseau à proprement parler. Néanmoins, l'abandonner ici risquait de laisser des informations à la disposition de potentiels ennemis - ne serait-ce que le fait que quelqu'un ou quelque chose était arrivé de l'espace -, sans parler du possible impact environnemental...
La Capitale en avait peut-être reçu un également - qui ne manquerait pas lui aussi de les informer que l'équilibre des forces était préservé -, mais ce n'était pas la seule menace ; le nom de Scydonia lui était venu rapidement à l'esprit. Certes, ils n'en avaient plus entendu depuis très longtemps, mais au vu de leur avance technologique, il était peu probable qu'ils se soient contentés de disparaître.

Du coin de l’œil, il suivit l'échange entre les deux autres - et fut surpris de voir que Christina laissait le visiteur des étoiles toucher à son appareil. C'était peut-être un de ses compatriotes, mais même lui n'osait pas s'en approcher de peur des représailles - et sa propriétaire n'avait pourtant jamais témoigné de comportement violent envers lui.
N'était-elle pas un peu prompte à faire confiance ?... Ou peut-être était-ce lui qui était trop méfiant. Il se redirigea calmement vers l'Overlord et remonta à bord ; quoi qu'ils décident de faire avec cette capsule, ils en disposeraient plus aisément à bord d'un MS, de toute façon.

« Quand vous voulez. » dit-il une fois de retour aux commandes.

Shinji se contenta d'acquiescer. Il n'avait effectivement pas pensé que l'on pourrait se resservir des pièces détachées. Pour avoir réussi à descendre jusqu'ici et être encore en si bon état, l'alliage devait être particulièrement solide... Incapable de le vérifier, il se demanda brièvement s'il était plus ou moins solide que celui dans lequel étaient construits les Mobile Suits. Avant qu'il n'ait pu dire quoi que ce soit, Christina se dévoua pour la porter.

« D'accord. » dit-il simplement, surpris mais pas mécontent de n'avoir pas à redéployer le même trésor de concentration qu'à l'aller. Si la navette était bien plus solide qu'un caisson de feux d'artifice, il n'était pas dit qu'elle apprécie une chute de plusieurs dizaines de mètres après avoir été déjà chauffée à blanc.

Même si Christina était beaucoup plus capable que lui, il restait à espérer que son passage ne la distraie pas pendant le transport - d'autant qu'elle ne pouvait pleinement compter que sur une seule des mains du Lucifer dans l'immédiat. Certes, les dégâts étaient peut-être minimes en apparence, mais on n'est jamais à l'abri d'une défaillance... L'Overlord était censé être parfaitement opérationnel la première fois qu'il l'avait vu, après tout.
Ses mains se crispèrent légèrement sur les commandes alors que cette pensée lui traversait l'esprit, mais il fut néanmoins capable de décoller. Au plus vite ils seraient rentrés à la base, au plus vite il pourrait descendre. S'il arrivait plus ou moins à piloter sans que son dégoût envers sa machine ne le gêne désormais, ce n'était pas pour autant qu'il appréciait d'y rester plus longtemps que nécessaire.

Il rejoignit bientôt le Lucifer dans les airs, calquant sa hauteur sur la sienne.

« Compris. » répondit-il à Christina, voulant ses communications aussi concises que possible pour ne pas les déranger ; ils devaient avoir beaucoup de choses à discuter. Il est vrai qu'en pleine nuit, ils manquaient cruellement d'éclairage, à l'exception du peu que leurs MS étaient capables de fournir par eux-mêmes. « On devrait éviter de repasser par l'endroit d'où on a tiré les feux d'artifice. »

Ils venaient déjà de quitter le point de chute de la « comète » - un endroit aisément repérable pour quiconque l'aurait observée. Autant éviter d'augmenter les risques en repassant par l'autre emplacement où ils s'étaient faits remarquer : celui-ci était peut-être très proche de la Cité, mais les risques n'étaient pas nuls pour autant. Or, s'il n'avait pas eu le temps d'apprendre à le connaître, Shinji tenait déjà à leur nouvel allié - et surtout aux chances qu'il représentait de quitter cette planète et son cycle de violence sans fin.

Shinji suivit les conseils de Christina - et sa machine par la même occasion ; même lesté du poids de la navette, le Lucifer demeurait le plus rapide. Comme il s'y était attendu, leurs conversations se limitaient au strict minimum : Sasuke et elle devaient avoir beaucoup de choses à se raconter. Peut-être était-elle en train de lui dire comment se comporter une fois dans l'enceinte de la Cité.
S'il était laissé à l'écart, Shinji ne le prenait pas mal : il appréciait le silence - même si celui-ci n'était pas complet, gêné par le bruit des réacteurs. Il avait déjà eu la chance d'être témoin de cette arrivée qui pourrait bien tout changer ; si son coéquipier avait quelqu'un d'autre que lui, Christina se serait sans doute arrangée pour s'en débarrasser après avoir enflammé le ciel.

À ce titre, il en savait plus que n'en sauraient la plupart des habitants de la Cité sur ce qui était en train de se tramer ; il n'avait aucun droit d'en attendre davantage. Malgré tout son intérêt pour leur culture, il n'était pas l'un des leurs : ils n'avaient aucune obligation de partager avec lui tous leurs secrets.
De toute façon, il était trop concentré sur l'idée de peut-être enfin pouvoir prendre le large - échapper à cette guerre - que pour s'en formaliser ou se sentir rejeté d'une quelconque manière. Il espérait simplement que le fait que la Capitale ait elle aussi reçu quelqu'un capable de les aider à forger la clé des cieux ne viendrait pas tout gâcher. Ils n'avaient pas fait tout ça pour donner à ce conflit stérile une dimension supplémentaire...

« Ah ? Bon, d'accord. » fit Shinji, un peu surpris. Si le secret entourant l'ordre de mission lui avait bien fait comprendre qu'il importait de ne pas trop en dévoiler, il ne pensait pas que c'était au point de devoir tout faire en cachette de l'armée. Qui était au courant, au final ?

Il ne savait pas non plus quoi penser de l'idée de le ramener directement chez eux - mais c'était la maison de Christina avant d'être la sienne, aussi n'avait-il pas vraiment son mot à dire.
Fort heureusement, le trajet se déroula sans encombres ; ce n'est qu'après avoir passé les murs de la Cité qu'il s'autorisa un peu de soulagement. La distance qui les séparait du hangar privé de la jeune femme fut avalée en un instant ; il se stabilisa au-dessus du bâtiment.

« Je descends en premier. »

Ce n'était nullement un caprice de sa part ; simplement, il n'était pas encore assez habile pour être sûr de ne rien heurter. En prenant place le premier, il évitait les risques de percuter le Lucifer dans la manoeuvre - ainsi que les conséquences qui pourraient s'ensuivre.
Laisser l'Overlord à seulement quelques dizaines de mètres de l'endroit où il dormait - de ce qu'il avait de plus proche d'un foyer - ne lui disait toujours rien qui vaille, mais ce n'était pas le moment de faire des manières...

Il veilla à laisser à Christina le maximum de place et commença à descendre de son appareil après l'avoir éteint, curieux de ce qu'elle comptait faire à présent ; si précieux que soit leur nouvel atout, ils n'allaient pas pouvoir le cacher éternellement.
Commençant à se débarrasser de sa combinaison, il observa le cockpit de la Valkyrie du coin de l’œil - bien que n'ayant toujours pas la moindre idée d'à quoi correspondait cette désignation -, attendant qu'ils en émergent à leur tour.