Décidément, Kougami semblait ne pas vouloir lâcher du regard l'avion dans lequel se trouvait actuellement sa petite soeur et qui l'amenait jusqu'à sa destination ; la Cité, territoire ennemi. Alice savait que le jeune homme était sensible mais elle n'avait pu le remarquer que dans de rares occasions. Alors, forcément, elle ne voulait pas gâcher ce moment. Pas tellement pour elle mais surtout par respect pour son roi et ami. Oui, elle savait se montrer sérieuse, même avec le pire des pitres qu'il pouvait être lorsqu'ils n'étaient qu'à deux et donc, loin de toute obligation royale.

Lorsqu'il se décida à reculer un peu pour se retrouver au niveau de sa conseillère, celle-ci put voir des larmes rouler le long de chacune de ses joues pâles. A dire vrai, elle avait déjà senti depuis un moment qu'il était dans cet état. Ses pouvoirs, sans doute, et une part de ce sixième sens qu'elle avait avec ses proches. Alors, elle ne fut pas tellement surprise. Haussant les épaules, la blonde ne s'arrêta pas sur le « ceux que j'aime » imaginant plus faire partie des proches du roi comme son amie, sa confidente.

« Comment oserais-je te laisser seul si c'est pour que tu ne saches prendre de décisions sans ta conseillère et ne puisse te faire à manger. Je ne tiens pas à te retrouver la peau sur les os, mon cher roi ! »

Alice espérait sincèrement détendre l'atmosphère. Il fallait donc qu'elle croise les doigts pour que cela fonctionne.

Kougami afficha un léger sourire, à moitié forcé, à moitié sincère. du revers de la main il essuya ses quelques larmes avant de regarder Alice.

- Tu dis ça comme si c'était toi qui me faisais à manger!

Et ce n'était pas elle, mais lui cuisinier du château qui avait cet immense privilège. Kougami se demanda un instant ce que le chef aurait préparé de bon pour ce soir, loin d’imaginé qu'il goûterait au toute nouvelle "Gabi" créer par un des fous masqués.

* Je me demande si la faim peut me tuer... *

Il chassa cette question de son esprit et prit la main d'Alice dans la sienne.

- Mais pour les conseils tu as raison, je ne sais pas ce que je ferai sans toi.

Affichant un sourire de plus, il commença à avancer, tirant doucement Alice pour qu'elle en fasse de même.

* Houki, fait bien attention à toi. A bientôt. *

Alice haussa les épaules, bombant ensuite la poitrine, faisant la fière, tel un paon qui ferait la roue. En effet, ce n'était pas elle qui faisait les petits plats de sa majesté le roi mais en attendant, elle l'avait fait sourire. Enfin, au moins un peu. Elle l'avait senti, à nouveau bien malgré elle, ce sentiment de tristesse encore enfoui en lui. Sans doute qu'en sentant cela, ses yeux avaient de nouveau tourné au doré. Rien de très rassurant mais bon... Tant qu'il n'y avait que Kougami pour l'observer de la sorte.

« Oh mais si ce n'est que ça, je peux me convertir en ta cuisinière en plus d'être ta conseillère, mon cher Kou. C'est ça que tu veux ? Je cuisine très bien, selon mes amis. »

A son tour de sourire, mais ce coup-ci, plus de mesquinerie qu'autre chose. Que c'était plaisant de jouer avec un roi aussi... prévisible pour elle. Elle rigola même doucement. Il fallait bien arrêter de pleurer. Après tout, Houki était déjà partie, alors, à moins qu'il ne décide de partir avec elle ou qu'il ne laisse Alice en faire de même, ils ne pouvaient plus rien y faire.

Par contre, elle ne s'attendait clairement pas à l'entendre la complimenter de la sorte. Elle le conseillait bien ? D'un côté, c'était là son travail, mais d'un autre côté, elle n'était pas sûre d'être la meilleure, d'être si bien. Mais là n'était pas la question.

« Merci... »

Que répondre de plus ? La jeune femme était gênée, après tout. Après quoi, le roi la tira par le bras pour qu'elle le suive. Elle le fit sans broncher, bien évidemment.

« J'étais venue dans l'espoir d'en discuter à nouveau, du départ de ta sœur, ou en tout cas, l'accompagner jusque là-bas, puisque j'ai étudié les relations sociales. Mais j'imagine que tu n'es pas vraiment d'accord, n'est-ce pas ? »

Alice haussa les épaules une nouvelle fois, soupirant par la même occasion.

Kougami avançait, tenant toujours la main d'Alice dans la sienne. Il l'écouta parler avant de tourner son nez comme un gamin qui voulait esquiver le sujet.

- Pas d'accord du tout! lâcha t'il, sachant pertinemment qu'elle le forcerait à répondre d'une façon ou d'une autre.

Il soupira, sans lâcher la main de la blonde qui lui servait de conseillère. C'était assez bizarre d'être seule avec elle en dehors de ses quartiers. D'habitude il y avait toute son escorte avec eux. Kougami décida d'en profiter, ça ne se reproduirait certainement pas de si tôt. Il se mit à sourire doucement.

- C'est déjà dur de laisser Houki partir, mais alors si tu pars aussi, autant me faire couper la tête...

* Comme si ça serait efficace... *

Il regardait à l'opposé d'Alice et ne remarqua donc pas ses yeux tout dorés.

Comme l'avait imaginé Alice, Kougami réagit au quart de tour et dans le sens qu'elle avait prévu : un refus total de la laisser accompagner Houki. En apparences, il agissait comme un gamin trop gâté qui refusait les décisions et choix des autres et qui profitait de son rang pour avoir le dernier mot. Et même si la jeune femme pouvait sentir qu'il refusait surtout par peur et tristesse, elle ne parvenait pas à l'admettre. Pour une fois qu'elle voulait se montrer assez importante et qu'elle voulait avoir un rôle dans tous ces conflits, il le lui refusait. Elle soupira aussitôt.

« Comme prévu. Tu n'as même pas voulu entendre mes raisons, mes arguments. Tu t'en rends comptes, Kougami ? »

La blonde fit une pause, ne réalisant même pas que sa main était toujours enroulée autour de celle du jeune homme et tant mieux, sinon, elle pourrait rougir, voire partir encore plus frustrée, tiraillée entre un excès de colère et de honte.

« Houki reviendra, elle te l'a promis. Que tu aies du mal avec son départ, je peux comprendre. Mais moi, je suis une amie, une conseillère tout au plus. Je sers donc en partie à ça. Alors, pourquoi, hein ? Pourquoi tu n'en fais, une fois de plus, qu'à ta tête et tu ne fais que des caprices ? Ça ne te suffit pas d'avoir toujours gagné quand on était petits ? »

Pour une fois, oui, Alice s'énervait vraiment. Elle se voulait utile mais on le lui refusait.

* Tssss.... *

Aie aie aie, cette conversation il la sentait mal. Lui qui espérait pouvoir profiter du beau temps en tête à tête avec Alice, il pouvait déjà oublier cette idée. Il l'écouta rager, se retenant pour ne pas soupirer. Mais il resserra tout de même son emprise sur la main d'Alice sans s'en rendre compte....l'énervement surement.

- Tu sers à me conseiller MOI ! Pas ma soeur! MOI !
Elle est assez grande pour se débrouiller toute seule et elle est très bien accompagnée! Et puis de toute façon le convoi est déjà partit!

Énervait, il lâcha la main d'Alice et accéléra le pas.

Ça allait de mal en pis... Pourtant, Alice ne regrettait pas d'avoir parler ouvertement, même si c'était contre l'avis de son très cher roi. Il l'avait mérité puisqu'il ne lui avait jamais laissé l'opportunité de donner son avis à ce sujet quand bien même elle le lui avait demandé un bon nombre de fois. Foutu entêté. La demoiselle le sentit même serrer sa poigne toujours plus fort, si bien qu'elle se mordit les lèvres pour éviter qu'il ne l'entende se plaindre de douleur.

« Toi, toi et toujours toi, hein ? Je te signale que ta sœur y va pour la Capitale et non pour toi ! Et je suis censée t'aider à agir pour le bien de la Capitale ! Alors, oui, j'aurais pu être utile, espèce d'imbécile ! »

Lorsqu'il lui lâcha la main et accéléra le pas, la jeune femme fut encore plus frustrée. Voilà qu'il se permettait de se vexer et de la lâcher là, alors qu'il l'avait cherchée ? Sans un mot de plus, elle le suivit sans le moindre sourire. Désormais, le silence allait régner, en tout cas, avec beaucoup de chance.

Des reproches, toujours des reproches. Pourtant, il y avait encore peu de temps, il lui annonçait qu'il était content de son boulot. A croire que Kougami changeait d'avis comme de chemises ! Saleté. Elle fronça les sourcils, vexée et regarda tout de suite ailleurs. S'il voulait lui faire la gueule, qu'il le fasse. Elle en avait plus qu'assez de s'énerver à son sujet, à cause d'une simple requête au sujet d'un voyage qui l'inquiétait plus que de raison, d'ailleurs. Pour un homme qui se voulait protecteur, il était surtout bien misogyne et égoïste.

« Parce que je sais y changer quoi que ce soit, moi, hein ? Je ne suis que conseillère, tu le dis toi-même ! Alors, j'aurais au moins pu être utile avec mes moyens là-bas, à l'autre bout du continent, comme tu le dis si bien ! J'aurais pu aider ta soeur à négocier. Mais non, tu ne vois que ton point de vue et tu te moques bien du fait que je veuille être utile. Si c'est ça, je te laisse. Je ne voudrais pas énerver plus longtemps sa majesté qui a des choses bien plus importantes à faire. »

Elle le regarda reprendre sa route, se stoppant, elle, de son côté. Elle s'assit sans un mot, se disant que de toute manière, il ne s'en rendrait même pas compte. Elle avait de quoi fulminer dans son coin, en silence. Et elle se disait qu'il pourrait en discuter avec ses autres conseillers, s'il voulait parler de quoi que ce soit. Elle faisait grève.

- C'est ça! Laisse moi madame je sais tout!

Kougami continua de marcher, énervé, se retenant de ne pas frapper le mur une nouvelle fois. Imaginé qu'Alice s’inquiète, regarde sa main et la voit se régénérer ? Bonjour la catastrophe. D'ailleurs le roi regarda sa main, il n'avait déjà plus rien.

Il continua d'avancer un peu avant de se dire que cette dispute était vraiment stupide. Sur les nerfs à cause du départ d'Houki il réagissait vraiment comme un con. Il ferma les yeux et respira un bon coup avant de se retourner.

Il vit qu'Alice avait cessé d'avancer pour s'asseoir près du mur. Il soupira et fit demi-tour. Sa majesté en personne posa ses fesses royales sur le sol pour prendre place à côté de la petite blonde qui fulminait.

- Je n'aime pas quand on se dispute.

Il passa son bras autour des épaules d’Alice et la tira un peu vers lui.

- J'ai besoin de toi ici. Je suis roi, pas dieu, si ma conseillère la plus importante s'en va en même temps que ma sœur, je vais m'écrouler. Je sais que c'est égoïste... Mais.... le convoi est déjà partit de toute façon, c'est trop tard pour changer les choses.

Et puis, j'aimerais voir de quoi Houki est capable. Mais ne t’inquiète pas, j'ai bien entendu ta demande, tu veux te sentir plus utile, alors la prochaine fois, je t'en parlerais et c'est toi qui iras si tu en a envie. Ça te va?

Il lui caressa doucement l'épaule.

- On fait la paix? dit il, comme quand ils étaient gamins.

Madame « je-sais-tout », hein ? Kougami empirait encore et toujours son cas vis-à-vis d'Alice. Mais grand bien lui fasse, la jeune femme avait de toute façon décidé de rester dans son coin, histoire de ne pas se le coltiner une seconde de plus, lui et sa mauvaise fois. Il était désespérant quand il se mettait à crier pour ne rien dire. Sa conseillère à lui, une conseillère qui se trompait sur les urgences... C'était comme ça qu'il la voyait ? Au fond, elle n'était qu'un objet pour lui, un pion parmi tant d'autres. Autant dire que la blonde n'était pas prête de retourner vers lui après tout ça, et ce même si c'était un ordre. D'ailleurs, elle ne regardait même plus vers celui-ci, bien trop occupée de s'énerver dans son coin, la tête baissée.

En entendant des bruits de pas venant dans sa direction, elle avait espéré qu'il s'agirait d'un soldat quelconque qui lui demanderait, tout au plus, de s'en aller parce qu'elle n'était pas habilitée à rester sur place plus longtemps. Mais ça n'avait bien évidemment aucun rapport. C'était encore ce crétin qui revenait à la charge. Pourquoi ? S'il venait chercher, une nouvelle fois, la petite bête, elle ne se retiendrait plus de lui en coller une. Mais rien de tout ça. Il n'aimait pas quand ils se disputaient ? Eh bien... C'est ballot, ça.

« Oh. Je suis sincèrement navrée d'avoir ennuyé sa majesté le roi. Peut-être devrais-je faire face à la cour martiale ? Je m'y ferai et obéirai, dans ce cas. »

Bien évidemment, Alice parlait encore sur le coup de la colère et n'avait qu'une envie, en disant cela, le chercher un peu plus après tout ce qu'elle venait de se ramasser de pleine face. Tant pis si ça ne lui plaisait pas, elle avait agit impulsivement, comme elle savait si bien le faire, notre tête brûlée.

En se sentant soudainement tirée sur le côté, elle comprit ce qu'il lui arrivait lorsqu'elle sentit le corps de son ami sous sa petite tête. Elle ne dit mot, rougissant légèrement par la même occasion. Saleté de profiteur ! Il croyait sincèrement pouvoir s'en sortir avec un simple geste « réconfortant » ? Et puis quoi encore ?!

« Le convoi est déjà parti de toute façon ? C'est tout ce que tu trouves comme excuse, grand imbécile ? Et tes trois masqués douteux, là, tu les oublies ? En plus, comme ils se battent, ils doivent savoir mieux te conseiller que moi, hein ? Alors, arrête tout de suite ton cinéma ! » La jeune femme prit une inspiration, histoire de calmer ses ardeurs autant de colère que de gêne mais rien n'y faisait. « Et c'est trop tard ! Trop tard pour me dire que tu m'écouteras ! De toute façon, tu me vois incapable de faire quoi que ce soit... Incapable de protéger qui que ce soit... Incapable de te protéger... »

Ses derniers mots avaient été pénibles à prononcer tout simplement parce qu'elle avait du mal à se l'avouer et encore plus à l'avouer à ce crétin qui ne devait pas comprendre ce qui se cachait derrière. Derrière des mots sortis tel un reproche alors qu'il en était tout autre. Par la suite, elle frissonna en le sentant lui caresser l'épaule. A croire qu'il faisait tout pour la rendre encore plus rouge écarlate et mal à l'aise. « On fait la paix ? Tu parles comme un gosse... » Elle soupira. « De toute façon, je ne peux pas t'en vouloir longtemps, triple idiot. »