Visrin se contenta d'acquiescer discrètement. Elle n'était pas tombé sur un expansif. Il avait tout d'un soldat ; aller directement au fait sans se préoccuper des autres. C'était une manière de faire et, d'une certaine manière, cela lui rappelait comment elle avait pu être par le passé.

En revanche, elle nota qu'il n'avait pas de mission précise. Il ne devait qu'assister les autres dans leur propre mission ? Quoi, le QG trouvait qu'ils mettaient trop de temps ? Elle faisait ce qu'elle pouvait avec les moyens du bord, ok ?
Il demanda ensuite des informations sur l'autre membre de l'UTI de manière peu subtilement menaçante, ce à quoi Héliana tenta de répondre avec légèreté

- Olà, du calme, il reste l'un des nôtres. Je sais qu'il est assez jeune, brun, yeux... bleus il me semble. Après j'ai pas noté de détails supplémentaires. Notre entrevue fut... assez brève et peu cordiale.

Une manière euphémique de dire qu'il l'avait carrément braqué et avait menacé sa vie. La base quoi. Inutile de donner davantage de détails. Ce Visrin semblait déjà capable de mesures radicales, inutile de lui donner davantage de raisons.
Quant à ce qui était de sa liberté :

- Je ne peux rien garantir, mais je peux toujours te conseiller de jouer cartes sur table avec le personnage. S'il sent que t'es sincère, il sera plus à même de l'être avec toi. Quant à notre atterrissage prochain...

La machine était finalement arrivée dans les murs de la Capitale, et s'était posé dans une base militaire. Alors qu'une fois le Gaïa rangé, le cockpit s'ouvrait, Héliana se permit quelques recommandations :

- Je vais envoyer un message au roi pour lui expliquer la situation, mais ne sois pas certain qu'il prendra le temps de te rencontrer. En attendant, reste avec moi et laisse-moi faire la conversation si jamais on nous aborde dans la base. Une fois à l'extérieur, reste discret, on reste en contact si jamais on a besoin de l'autre. Des questions ?

Ils avaient désormais atteint le sol et, après avoir verrouillé sa machine, Héliana se dirigea vers la sortie, invitant Visrin à la suivre.

Visrin se contentait de répondre évasivement, absorbant froidement les informations. Quel professionnalisme. C'était comme si la pilote regardait un miroir du passé ; lorsqu'elle avait quitté les colonies, elle avait elle aussi fait preuve d'une telle froideur. Néanmoins, son séjour sur Terre l'avait inexplicablement ramollie. Peut-être était-ce encore temps de redresser la barre et de se comporter en soldat de l'UTI qu'elle était toujours.

- Soniya Siankov... Siankov... non, ce nom ne me dit rien. Une amie à toi ?

Si tant était que Visrin avait des amies au-delà de son statut de soldat. Encore une fois, l'émotivité et l'empathie de la spacenoïd coulaient là où elles n'auraient pas dû. Une de nos collègues, une de nos compatriotes, voilà ce qu'elle aurait dû dire.

- On va avoir besoin de moyens de rester en contact. Nos communicateurs sont quasi-inutiles. Il faudra que tu te trouves un modèle terrien comme celui-là.

Ce disant, elle avait sorti un téléphone classique de la Capitale.

- Je te laisse mon numéro, dit-elle en joignant le geste à la parole. Hésite pas si t'es un peu perdu.

Ils étaient arrivés à la bordure de la base, et Héliana s'était arrêtée, prête à répondre aux dernières questions de son compatriote, mais également désireuse de l'éclipser le plus discrètement possible.

Visrin avait demandé des informations sur Soniya, mais bien qu'il la décrive en amie, il semblait bien détaché à son sujet. Sans doute était-ce comme Héliana l'avait deviné : une simple personne dont il avait connaissance de la présence sur Terre et dont il cherchait naturellement la localisation.

Le jeune homme sembla enregistrer mentalement le numéro que la pilote dictait, peu avant de demander davantage d'informations quant à la marche à suivre. Oui bien sûr, c'était attendre beaucoup que de laisser quelqu'un se débrouiller tout seul dans une ville complètement inconnue.

- Maintenant ? C'est vrai que là... Ecoute, ce que je peux te proposer, c'est de te trouver un lieu où dormir en tant que soldat. Je suis pas certaine que ça passe, tu sais faire quoi ? Tu pilotes ? Tu bricoles ? Faire entrer quelqu'un ça peut être galère, mais je pense connaître une ou deux chambres vides dans les quartiers militaires en attendant que tu te trouves un truc stable - faudra sans doute voir avec le roi ou un des ses représentants légaux...

La réponse de Visrin fit naître un discret sourire aux coins des lèvres de la pilote. Un assassin, hein ? Cela faisait bien partie des possibilités qu'elle avait envisagées. Il devait être sacrément expérimenté vu son tempérament. Il n'était plus tout jeune non plus. Elle se demandait avec quoi il opérait. Elle n'avait pas vu de sniper, mais peut-être était-il davantage un homme "de contact".

Sa remarque suivante surprit légèrement Héliana : il se préoccupait de sa sécurité ? Il ne voulait pas qu'elle prenne de risques pour lui ? Voilà qui était intéressant. A tout hasard, avait-il compris qu'elle aussi avait un passé d'assassine ? Sans doute ; elle n'avait pas vraiment pris la peine de cacher son sniper, peut-être avait-il fait le lien...

- Tu as raison. Ce serait plus judicieux. Le roi se trouve au palais royal, au centre de la Capitale, difficile à manquer. Y accéder directement peut s'avérer difficile, aussi je me demande dans quelle mesure il ne serait pas plus judicieux que je t'accompagne jusqu'à lui.

Après tout, elle pouvait se contenter d'envoyer un message au roi pour le prévenir de l'arrivée prochaine d'un certain Visrin Aurion, mais elle gardait des réserves et préférait être présente lors de la première impression du spacenoïd sur le souverain.

Visrin semblait partant à l'idée de rencontrer le roi ou au moins d'essayer de rentrer dans la légalité, ce que la pilote ne pouvait que saluer. Au fond d'elle, elle se doutait qu'essayer de cacher quelqu'un n'était pas une très bonne idée. Le joue où un quelconque supérieur s'en rendrait compte, elle pourrait avoir du mal à expliquer pourquoi elle avait tenté de dissimuler quelque chose vis-à-vis de la Capitale.
Aussi hocha-t-elle la tête à cette initiative.

- Obtenir un entretien avec le roi n'est pas toujours facile, il est assez occupé. Mais je sais aussi que je suis dans ses petits papiers ; si on se pointe au palais et qu'il est là, on devrait pouvoir obtenir une audience assez vite.

Elle prit un moment pour voir dans quel était elle se trouvait : tenue de pilote, un peu décoiffée... Elle devrait peut-être faire un saut dans ses quartiers pour enfiler quelque chose de plus présentable.

- Ce que je te propose ; on passe en vitesse chez moi, j'enfile un truc plus adapté aux circonstances et on se rend au palais. Je pense qu'on a le temps.