- ... Oui...
... Depuis quelques années maintenant...

Nos regards se croisent alors que devine cette ombre qui manque de venir le submerger. Ma joue se cale un peu plus contre ses doigts, pour le garder avec nous tandis qu'il prend une grande inspiration pour se calmer. Est-ce qu'un jour il pourra être libéré de ce poids? Il n'est pas coupable, il a le droit de passer au-dessus de tout cela.

- Je n'aurais pas imposé l'immortalité à votre fille sans pouvoir l'accompagner. Quand je l'ai transformée je me suis juré de ne jamais donner mon code afin de pouvoir rester à ses côtés pour veiller sur ses souvenirs et son bien être. Éternellement.
- Code ? Je vois...

Pour le coup, le silence tombe un peu entre nous, laissant à mon père le temps de digérer tout cela. Bon, niveau annonce, il y a du niveau aussi cette fois finalement. Et bêtement, je me sens touchée par le geste de Kougami. Personne ne sait pour son Code mais il a accepté de le dire de lui-même à mon Père. Alors mon sourire répond au sien, plus franc. Très tendre aussi. Je ne m'attendais pas à ce qu'il lui dise et quelque part, cela me soulage aussi un peu. Moins de secret pour moi, ce n'est pas rien.

- Si vous pouviez garder ça secret aussi, pour le moment...
- Evidemment. Personne n'en saura rien de ma part.
"- Pas même Maman."
- Dis donc, tu deviens dure en affaire. C'est lui qui t'as appris ça ? Négocier avec son propre Père ? Sacrilège ! Je devrais renvoyer une plainte pour la peine.

Bien sur qu'il ne dira rien. Ce genre de nouvelle, il n'y a que le principal concerné qui peut l'annoncer de lui-même. Mais le fait que Père vienne déjà tenter de rire de la situation soulage aussi un peu l'ambiance qui étais devenue lourde suite aux dernières révélations. Il ne s'y attendais pas mais il voulait en savoir plus alors, il ne peut pas se plaindre. Là, il en aura appris bien plus qu'il ne devait s'y attendre.

- A l'avenir, je me méfierais lorsque j'entendrais le mot 'pique-nique'. Parce que là, pour le coup, y en a pas un pour racheter l'autre. Ce qui est aussi valable pour vous, bande de chenapans !
"- Désolée..."
- Et c'est valable pour toi aussi, la bestiole.
- Hi?

Ah non ! Une fois ça suffit. Ces histoires de plainte, je m'en passerais volontiers même si l'idée me fait plus sourire que soupirer malgré tout. Moi, plus dure que Kougami ? J'en doute sérieusement. D'ailleurs, selon Mitsuki, je ne suis pas du tout assez ferme dans mes décisions alors c'est dire. Enfin, au moins maintenant l'ambiance est redevenue plus légère et je suis rassurée. Mon Père n'a ni hurlé ni sauté au plafond, il continue même à faire le pitre donc, c'est que tout va bien.

- Je pense que la... Nous avons du faire le tour du rayon super-secret mais au moins... Vous devez être rassuré non? Kalicko ne manquera jamais de runes et elle n'aura pas à faire de mal à qui que ce soit pour se nourrir.
- Hi hi !
- Rassuré ? Eh bien, dans la théorie oui. Mais....
"- Mais ?..."

Le poro sur mon épaule se pavane comme un grand, sans que personne ne comprenne vraiment pourquoi. Et là, j'avoue que le fait que mon Père n'ait pas terminé sa phrase et vienne remettre mes cheveux en place comme il le faisait lorsque j'étais toute petite m'intrigue plus que je ne l'aurais cru. Il y a un souci ?

- Déjà, il va falloir que je lui confie ma petite chérie, c'est dur. Mais alors pour l'éternité, vous vous rendez compte de ce que vous m'infligez, là ? Mon pauvre coeur ne va jamais s'en remettre !
"- Tu n'exagères pas un tout petit peu, là ?"
- Attend de devenir mère et tu comprendras ma douleur.

Bon, vu son ton devenu complètement mélodramatique, et son expression poussée un brin au ridicule, je sais qu'il n'est pas si sérieux que cela. Enfin, qu'il est vraiment rassuré, il veut juste nous faire marcher. Par contre, il était obligé de parler d'enfants? Evidemment que j'ai rougi à cette simple idée et il en profite pour venir me pincer les joues juste assez pour me faire froncer le nez avant de venir fixer le Roi.

- T'as intérêt à en prendre grand soin.

- Evidemment. Elle m'est trop précieuse pour qu'il en soit autrement.
Alors on va commencer par attendre avant de faire d'elle une maman, d'accord? Le mariage d'abord. Ça lui évitera de surchauffer et de finir par rester rouge à vie.
- C'est vraiment pour la survie de son adorable minois, alors.

Bon, vous avez fini, maintenant ? Mais qu'est-ce qu'ils ont tous avec mes joues. Je n'y peux rien si elles changent de couleur tout le temps. Je ne maîtrise rien. Même devenue Magius, je n'y arrive pas mieux. Enfin, Kougami a raison. D'abord le mariage et puis, de toute façon, ce n'est pas pressé. En plus, comme Agathe le disait si bien, la Princesse Houki double son aîné à tous les sujets. Donc, il n'y a pas de raison que cela change. Encore moins à ce sujet.

- Bon. Et si nous finissions ce repas maintenant ? Les câlins, c'est bien mais ça ne remplit pas l'estomac.
Allez, on reprend sa place, Altesse !

Et avant que je n'ai pu faire quoi que ce soit, mon Père est revenu m'attraper pour me redéposer sur ma chaise avant de venir reprendre sa place, comme si de rien n'était. Je crois qu'il me surprendra toujours. Il n'empêche, le voir avec le sourire et avoir retrouver sa bonhomie habituelle me fait du bien aussi. Je sais que je peux compter sur Kougami mais avoir ma famille également à mes côtés, cela compte beaucoup pour moi. D'autant comme nous nous voyons peu.

- Je me demande dans quel état je vais retrouver ta mère.
"- Pourquoi cela ?"
- Ton frère aurait entendu quelques birbes de conversation avec la Tisseuse Royale et elle aurait été capable de secouer assez ta mère pour lui clouer le bec. Je me demande comment elle a fait ça.

- Aïe. Décidément Agathe n'arrête pas en ce moment... Il va falloir que je la gronde un peu pour qu'elle se calme.
Mais ça ne m'étonne pas plus que ça. Agathe est redoutable.

Ca, nous sommes bien placés pour le savoir. Surtout lui d'ailleurs. Je me souviens d'une de leurs dernières rencontres ou c'était lui qui avait finit par fuir littéralement l'araignée. Alors l'entendre dire qu'il va la gronder, pour le coup, j'attend de voir ça. Avoir le dernier mot sur une femme telle que la Tisseuse, c'est un peu comme défier ma Mère. On ne s'en sort jamais indemne.

- Le seul moyen de savoir comment Agathe a fait cette fois serait de demander à votre femme. Vous pourrez le faire dès que nous serons de retour à la Capitale! Sauf si vous avez peur.
- Un peu que je vais me gêner ! Bon, après si elle refuse de m'en parler, je n'y pourrais rien mais je compte bien demander à en apprendre plus.

Et je suis persuadée qu'à la longue, il saura tout ce qu'il veut savoir. Mine de rien, personne ne connait mieux Maman que lui. Je crois que je suis toujours un peu émerveillée de voir cette complicité qui les unit. Surtout que pour le coup, on ne peut pas dire qui se ressemble s'assemble. Aussi physiquement que dans leurs attitudes. A croire que les opposés s'attirent réellement. Enfin, c'est dans une ambiance tranquille et sereine que nous terminons de manger, la fin de ma part offerte à Kougami dont le poro avait dévoré une bonne partie de l'assiette.  

- Eh bien, c'était très agréable de partager ce moment avec vous. Des audiences royales de ce genre, j'en veux bien un peu plus souvent. Sans le côté révélation, j'ai eu ma dose pour le moment.
"- Rassure-toi, ce n'est pas prévu."
- Parfait ! Je peux donc retourner prendre mon poste en toute sécurité.
Boule de poil, je compte sur toi pour les surveiller, hein?
- Hi hi !

Parfois, je me demande s'il comprend réellement ce qu'on lui dit ou s'il réagit davantage à nos expressions ou aux tons de nos voix. Enfin, ce n'est pas important en soi. Mon Père se lève de table avant de venir déposer un bise sur mon front et d'ébouriffer rapidement la tignasse de Kougami avant de quitter la cabine, en rigolant joyeusement. Imité par le poro qui semble bien amusé.

"- Eh bien, ça ne s'est pas si mal passé que cela. "

- Parle pour tes cheveux!

Ca va, ce n'est pas comme s'il était vraiment coiffé à la base non plus. Je pouffe de rire en le voyant revenir les ébouriffer à sa façon tandis que le poro en profite pour se moquer de lui. Entre sales gosses, il se comprennent visiblement très bien. Et finalement, Kougami ne lui tirera pas la langue en retour. Il en aurait tellement été capable. Heureusement que je n'ai pas parié sur ce coup-là.

- Ma Lily,
Viens.

Mon sourire répond au sien alors que je viens saisir la main qu'il me tend avant de me lever et de venir le rejoindre. Evidemment, la boule de poil n'a pas attendu que nous partions pour venir sauter dans ma poche et se faire embarquer avec nous. C'est drôle, vu comment elle ne cesse de nous coller, je suis surprise de l'avoir découverte aussi seule au milieu de nulle part à la base.

Rejoindre notre cabine n'est absolument pas long mais je ne me souviens même pas réellement avoir changé de lieu. Je l'ai juste suivi en fait. Pas les yeux fermés mais presque pour le coup. Et déjà, je me retrouve dans ses bras, contre lesquels je me blottis alors que ma poche remue un peu franchement. Pour le coup, le poro y est un peu bloqué et cela ne semble pas lui plaire plus que cela.

- HI !!!
"- Et là, tu es encore jaloux de lui ? "

Mine de rien, il se trouve un peu entre nous alors, connaissant le côté possessif du Roi, ma question est loin d'être anodine.

- Oui et non? Oui parce qu'il y a une couche de vêtement de moins entre lui et toi qu'entre toi et moi. Non parce qu'il vient de se faire écraser.

Il y a donc une amélioration. Sa remarque me fait sourire un peu plus alors qu'il vient fixer la bestiole encore à moitié écrabouillée dans ma poche. Il lui faut le temps de se regonfler un peu avant de faire les gros yeux à Kou', visiblement peu contente du traitement qui lui a été réservé.

- Bon, la boule de poil, soit tu vas dans la salle de bain te planquer sous une serviette, soit tu vas te refaire écraser dans trois secondes.
- Hi !?
- Trois.
Deux.
Un...

Si je me suis une seconde demandée s'il était sérieux, je n'ai même pas eu besoin d'en demander plus pour être fixée. Mes pas ont suivi les siens, me faisant reculer avant de rencontrer le mur proche et de m'y trouver purement et simplement coller alors qu'après nos regards, se sont nos lèvres qui se trouvent pour venir partager un premier pas de danse. Juste nous.

- A moi, rien qu'à moi,
"- Toujours... "

Je perçois vaguement comme un souffle désapprobateur de la part de la boule de poil qui disparaît de mon champs de vision. Je me moque complètement de savoir ou elle a été se cacher alors que déjà, le baiser reprend. Plus fiévreux, plus brûlant, plus absolu aussi. Mes doigts viennent se promener plus librement sur son corps, cherchant d'eux-même à faire tomber la barrière que représente ses vêtements à mes yeux. Simplement pour me rapprocher de lui, encore un peu plus.

Et si lui se montre plus pressant, je me découvre aussi plus avide que d'ordinaire à me rapprocher de lui. Est-ce à cause de Scydonia, le retour sur l'Archangel, la pression qui redescend suite à la visite de mon Père, un peu de tout à la fois ? Je n'en sais rien et je m'en moque totalement. Je veux juste sentir son coeur battre au même rythme affolant que le mien. Aujourd'hui et pour très longtemps encore.