Le départ a bien eu lieu comme prévu et, comme je m'y attendais, jusqu'à la dernière seconde March et Gabin ont tenté de trouver un moyen pour m'accompagner. J'ai promis d'essayer de les appeler régulièrement mais je ne sais pas si cela sera toujours possible. Je suis restée longtemps sur la passerelle, le temps que la Cité ait totalement disparu avant de rejoindre ma cabine ou je comptais profiter d'un moment de repos.  

Cependant, ce dernier sera de courte durée car soudain, un message d'alerte retentit dans tout le vaisseau.

"A tout l'équipage,
préparez-vous à un atterrissage d'urgence immédiat.
Je répète, à tout l'équipage,
préparez-vous à un atterrissage d'urgence immédiat."

Un peu inquiète, n'ayant pas senti de secousse particulière ni d'odeur de fumée, je choisis de rester dans ma cabine, à l'abri et là ou je pourrais me tenir en cas de mouvements violents. La sirène me stresse, me rappelant de mauvais souvenirs. Il y a quelques secousses un peu plus marquées avant que le ronronnement de fond ne se calme. nous devons donc avoir atterri.  

En sortant de ma cabine, je note de l'agitation dans les couloirs mais pas de panique flagrante. Je ne suis pas très rassurée mais je ne vois rien d'inquiétant pour autant. Aussi, je me dirige vers le poste de commandement, ou je retrouve Mitsuki, déjà venu aux nouvelles.

"- Il y a un problème ? C'est grave ?"

- Rien de grave, rassurez-vous. Un insecte géant semble s'être écrasé sur la vitre principale de l'Archangel. Il faut nettoyer tout cela avant de pouvoir décoller.

Un insecte géant ? Un frisson m'a échappé à ces mots. Je déteste ces bestioles. Enfin, au moins il n'y a pas de blessé. Je comprends mieux pour l'atterrissage, il est vrai que d'ici, on ne voit quasiment rien. Et il n'y a pas besoin d'être devin pour comprendre que cela ne sera pas aussi facile à faire qu'à dire.    

- Nous allons devoir rester plusieurs heures en terres sauvages. Quand tombe la nuit Capitaine?
- Vu notre position... Dans trois heures, quatre au maximum.
"- Très bien. Y a t'il quelque chose que je puisse faire pour vous aider ?"

Je me doute bien qu'une balade au clair de lune ne sera pas une bonne idée en tout cas. Après, il y a peut-être un domaine ou je pourrais me rendre utile. Nous sommes coincés ici alors autant rendre service. Je compte pas rester ici les bras croisés à attendre que les autres fassent tout le travail.  

Et on dirait que le Capitaine Pirate est resté avec les enfants à la Cité. Je crois que je m'étais habituée à sa tenue plus décontractée et son attitude un peu moins rigide mais il est vrai que le Royaume n'est pas la Cité. Dommage, ça lui allait mieux.  

- L'équipage doit se poser des questions, je veux bien que vous fassiez le tour du vaisseau pour vérifier que l'informations est bien passé.
"- C'est entendu, Capitaine."
- Venez conseillère, nous allons parcourir le vaisseau et vérifier qu'il n'y a pas eu de dégâts ou de blessé. L'atterrissage a bien secoué le vaisseau.
"- Je vous suis."

Mais je ne prendrais pas son bras pour autant. Je ne suis pas une petite chose fragile en mal de protection. Et puis, je ne crois pas que nous craignons quoi que ce soit ici. Aussi, c'est toujours avec le même sourire que je viens emboîter le pas de Mitsuki, un peu pensive.  

Ici, nous ne sommes plus à la Cité et c'est donc à moi de m'adapter un minimum. Là-bas, il a fait l'effort de renoncer à son titre comme je le lui avais demandé mais maintenant, les rôles sont inversés. Aussi, j'attends que nous passions dans un couloir plutôt vide avant de reprendre la parole.

"- Comment dois-je vous appeler à présent ? Je ne voudrais faire trop d'entorses au protocole d'un coup."

- "Conseiller Shinya" ou tout simplement "conseiller".
Au moins quand il y a des oreilles indiscrètes,

Oh, ce serait donc une histoire de réputation. Je ne cache pas mon sourire à sa seconde phrase, amusée. Très bien, j'ai compris le message. Et je me demande si les membres d'équipages ou les sujets pourraient être pires que March et Gabin en mode commères. Parce que bon, avec les enfants, il y avait un sacré niveau quand même.

- Le Capitaine voulait juste se débarrasser de nous, à ses yeux nous ne sommes que des civils et nous n'avons pas grand chose à faire sur son pont de commandement.
Mais je suis tout de même d'avis de faire le tour du vaisseau. Qu'en pensez-vous?

"- Je suis d'accord. Il vaut mieux être certains que tout le monde ait tout entendu, ce sera plus sûr."

Je suis Mitsuki en direction de l'arrière du vaisseau. Nous n'avons pas vraiment de blessés à déplorer, juste des contrecoups légers et c'est tant mieux. Pour la marchandise, nous ne pouvons rien faire pour le moment à part renforcer les arrimages pour certaines caisses. Nous pouvons donc dire que tout va bien.

Enfin, allait. Parce que ça, c'est le bruit d'une explosion. Et proche étant donné que le vaisseau a tangué. Je me suis appuyée au mur pour ne pas tomber mais je ne supporte pas ce silence qui tombe soudain. Comme le calme avant la tempête.

"- Qu'est-ce que... c'était ?...."

- Nous sommes attaqués.
Surement des Eivy, ils se promènent rarement seuls et vont vouloir venger celui que nous avons percuté.

J'aimerais croire qu'il se trompe, que ce n'était qu'une erreur mais je sens l'agitation gronder alentours et je vois les pilotes venir courir vers leur machines pour sortir avant que le reste des accès ne soient condamnés. Je sens ma gorge se serrer alors que je déglutis avec difficultés. Nous allons restés enfermés ici pendant une bataille ?  

"- Il faut... faire quelque chose. On ne peut pas rester ici."

Mais je ne sais pas où aller. A la Cité, je connais tous les chemins et recoins utiles mais là, je me prise au piège. Je ne suis pas soldat en plus, alors que suis-je censée faire dans ce genre de cas ? Allez, on garde la tête froide et on réfléchit. Ne surtout pas paniquer.

"- Quel est notre rôle, dans ce genre de situation ?"

- Le pire rôle. Nous isoler et attendre que l'équipage de l'Archangel se charge de la menace.

Je m'attendais à une réponse de ce genre et honnêtement, elle me déplait autant à voix haute que formulée dans ma tête. Mais nous n'avons pas le choix. Nous avons déjà reculé, pour libérer le passage afin que les soldats puissent opérer.  

- Nous pouvons rejoindre une cabine ou peut-être le self. A vous de voir.

"- Allons au self dans ce cas."

La-bas, il y aura de quoi m'occuper. Et puis, les outils de cuisine font de très bonnes armes d'appoint. Je secoue la tête pour ne pas laisser mes souvenirs se superposer au présent. Nous venons donc parcourir les couloirs à l'inverse des membres d'équipage jusqu'à rejoindre la cantine du vaisseau. Ou nous sommes seuls, évidemment.

"- Il n'y a pas encore eu de nouvelle secousse, vous croyez que c'est bon signe ? "

- Oui, cela veut dire qu'à l'extérieur les soldats sont assez compétents pour repousser l'assaut.

Je me permet un léger soupir de soulagement tout en sachant que rien n'est joué encore. Et en entendant des bruits de pas précipités, je me crispe un peu. Ouf, ce n'est que Dorian qui nous a retrouvé et rejoint. Mine de rien, la présence du colosse est rassurante dans une telle situation.

- Du nouveau?
- Apparemment, c'est une mère-pondeuse que nous avons écrasé. Nous sommes prêt d'un nid. Avec l'atterrissage nous avons fait du bruit et les avons attiré.
- Ils sont nombreux ?
- Je l'ignore, monsieur.

Par contre, tout ceci l'est beaucoup moins. Une mère-pondeuse, un nid, je n'aime pas cela. Mais au moins nous sommes à l'abri. Ou pas. le fait que le noir nous tombe dessus soudainement ne me dit rien qui vaille. S'il vous plait, dites-moi que...

- Mais ils sont entrés.
- Fermez les portes du self !
- Impossible, la fermeture est électrique.

C'est un cauchemar. Je sens que je me suis mise à trembler avant de venir courir vers le fond de la pièce pour aller fouiller dans les tiroirs.

"- Les couteaux de cuisine, il faut des objets tranchants. Allumez les plaques, ils n'aiment pas la chaleur. Et ne bougez pas inutilement, certains sentent les vibrations de nos pas."

Je tremble mais je reste debout, fixant la porte avec autant de frayeur que de détermination. Ils devront passer cette dernière et ce sera notre meilleur point d'attaque. car là, ils ne pourront pas se croiser.  

"- Il faut les empêcher d'entrée à plus d'un à la fois, ce sera notre meilleure chance.... Pour ne pas dire la seule. "