Après son rendez-vous avec le roi la veille, Héliana avait profité de la matinée pour rencontrer le spécialiste qui allait dresser le portrait-robot du membre de l’UTI. Elle avait fait son possible mais n’avait pas pu se souvenir d’un détail particulier qui aurait pu aider les recherches.
Plus elle y pensait et plus elle s’en voulait de l’avoir laissé filer. Ils étaient dans le même camp, ils auraient pu s’entraider.
Puis elle se souvenait que c’était lui qui avait commencé à la braquer. Il avait beau être perdu, il aurait dû baisser son arme bien plus tôt qu’il ne l’avait fait.
Son nouveau rang de Caporal avait également eu plus d’effet sur elle qu’elle n’aurait pu le penser. Là où s’était crue de fer face aux honneurs d’un camp qui ne lui était rien, de savoir qu’elle finissait par y être acceptée et reconnue avait percée le mur d’indifférence qu’elle avait bâti depuis son départ des colonies.

L’après-midi, alors qu’elle assistait aux derniers réglages du Dyana Sniper sur le StarDust Gaïa, elle se sentit soudain saisie d’un puissant désir de solitude. Elle avait besoin d’être seule, de faire le point avec elle-même. Aussi, en milieu d’après-midi, une fois le Sniper parfaitement opérationnel, elle prit place dans sa machine et ferma les yeux.
Le StarDust Gaïa avait toujours été son confident, et son cockpit son sanctuaire, l’endroit où elle se sentait vraiment elle. Mais malgré l’isolation, elle n’arrivait pas réellement à être sereine. Comme s’immisçant dans ses pensées, elle sentait, sans pouvoir vraiment expliquer comment ni pourquoi, la présence des autres personnes dans le hangar.
Après une brève grimace, elle activa la machine, réveillant l’écran et engagea les procédures de décollage.

- Quelle est votre code de sortie ?

- Patrouille de routine, improvisa-t-elle. Code 0017.

La porte s’ouvrit et Héliana amena calmement l’engin jusqu’à l’extérieur. Elle resta alors quelques secondes immobile avant de décoller subitement. Une fois haut dans les airs, elle poussa l’accélération à son maximum, faisant éclater le mur du son sur plusieurs kilomètres.

La pilote perdit rapidement le compte du temps qu’elle avait passé et de la distance qu’elle avait parcourue. Le soleil commençait à se coucher et la visibilité commençait à se faire traitresse. Arrivée dans un coin parfaitement désert, elle posa sa machine au sol.
Après quelques secondes passées dans le silence de la cabine de pilotage, elle se résolut à sortir, armée comme toujours de son sniper Stargazer.
L’extérieur était aride, mais la température étrangement agréable. Dans un soupir, elle s’allongea au sol, tête vers le ciel, et ferma les yeux.

Qui était-elle ? Une fille qui avait grandi sur les colonies ? Une alliée du roi Kougami ? Une soldate ? De l’UTI ? Du la Capitale ? Qu’en était-il de sa mission ? Elle avait quitté les colonies avec un motif clair, une mission précise, mais avait été forcée de constater qu’elle ne pourrait pas la remplir aussi facilement.
Qu’allait-elle faire d’Itachi ? Il avait de nouvelles directives pour elle ?
Et ce garçon des colonies lui aussi ? Pouvait-elle véritablement aider à sa capture au risque d’entraver sa mission ? Car s’il avait été envoyé sur Terre, c’était qu’il avait lui aussi une mission à remplir. Un assassinat, qu’il avait dit… Malgré son aisance pour la chose, Héliana n’avait pas encore conduit de tel acte depuis son départ de l’espace.
Qu’en était-il du roi ? Lui qui l’avait accueilli dans son royaume. Si jamais la nouvelle était vraie, s’il fallait, après avoir éliminé Valdam, tourner ses armes vers la Capitale, serait-elle capable de le faire ? Quelle décision prendre ? Il y avait quelques mois encore, elle aurait sans doute frappé la Capitale sans le moindre remords, mais maintenant… elle avait appris à l’apprécier, à s’y attacher, à connaître certains de ses recoins, ses petits bars de quartier, ses allées piétonnes, ses parcs, sa quiétude, bien qu’en temps de guerre.
Elle avait appris à se préoccuper de ces gens, ces terriens, bien que venue des étoiles. Elle était arrivée avec des idées préconçues sur eux, et elle les voyait chaque jour revisitées.

Elle rouvrit les yeux : la nuit était désormais totalement tombée et, là où elle se trouvait, loin de toute civilisation, elle pouvait voir distinctement les étoiles percer le voile de la nuit. Sa main se leva vers le ciel, cherchant vainement à les atteindre. Combien de fois avait-elle voulu redécoller avant de se rappeler l’existence de son ennemi, de Valdam ? Elle connaissait la plupart des constellations, et elles agissaient comme les boussoles dans sa vie.

Elle se redressa. Elle était une enfant des étoiles. Elle était Héliana Steinfeld.

Après quelques secondes à regarder encore le ciel nocturne, elle retourna vers sa machine et remonta dans le cockpit dont la tiédeur faillit l’endormir. Au moment de reprendre les commandes cependant, ses réflexes lui revinrent. La pause était finie. Elle avait fait le ménage dans ses pensées et elle devait maintenant revenir vers la Capitale.


Cependant, alors qu’elle décollait, l’alarme de son cockpit retentit ; cinq machines arrivaient en direction de la Cité. Elle s’était aventurée si loin que ça ?

* Pas de problème. Il suffit juste de les distancer avant de se faire repérer.*

Mais bien vite, la pilote comprit d’après leur trajectoire et leur vitesse qu’elle ne pourrait pas s’échapper sans passer inaperçue. Avant même qu’elle n’ait pu se repérer, une des machines avait ouvert le feu sur elle, la forçant dans une esquive musclée.

- J’vous assure c’est pas le moment !

C’était au contraire parfaitement le moment de tester le nouveau Sniper qu’elle avait ajouté à sa machine. Bien que les machines adverses soient rapides, la distance qu’il leur restait à parcourir était suffisante pour pouvoir espérer en descendre une ou deux avant un affrontement au contact.
Reculant sa machine pour gagner du temps, Héliana arma le Dyana Sniper. Malgré la nuit tombée, repérer ses adversaires était un jeu d’enfant avec la lumière des réacteurs et les tirs qui en provenaient.

- Prends ça !

Une ligne violette se dessina dans la nuit entre le StarDust Gaïa et une des machines adverses dont l’explosion soudaine illumina un moment le champ de bataille.

*Modèles de séries, analysa la pilote. Pas de problème à l’horizon.*

Elle arma un second tir, mais avant d’avoir pu tirer à nouveau, elle constata que les quatre machines restantes s’étaient trop approchées pour pouvoir espérer l’utiliser. Elle désactiva le sniper en pestant et lança un des boomerangs laser. Sans trop de surprise, son adversaire esquiva, mais Héliana en avait profité pour activer le mode MA du StarDust Gaïa et, profitant de l’effet de surprise du changement de mobilité, avait tranché en deux son adversaire distrait par le boomerang avec ses ailes lasers.

Cependant, ses adversaires avaient profité que leur ennemi se rapproche pour l’attaquer au contact, ce à quoi Héliana répondit en repassant subitement en mode MS et en dégainant son Arondight :

- Crèèèèèève !!

D’un puissant revers, elle avait d’un seul coup abattu deux de ses adversaires. L’explosion révéla alors la dernière machine que la terreur avait paralysée.
Puis, d’un coup, celle-ci fit volte-face et prit la fuite.

- N’y pense même pas ! dit Héliana en ré-armant son Dyana Sniper.

Elle avait la machine dans la ligne de mire et allait presser la détente, lorsqu’elle se souvint soudain de ce à quoi elle avait pensé, à peine quelques minutes auparavant.
Elle ferma les yeux, fronçant légèrement les sourcils. Assez de sang avait coulé. Sa vie n’était plus en danger et, si elle était une soldate, elle n’était pas une tueuse.
Le Dyana s’abaissa tandis que dans le cockpit, Héliana rouvrit les yeux, observant au loin la machine ennemie disparaître dans la nuit.

- Désolée pour tes potes.

Puis elle fit elle aussi volte-face, reprenant le chemin de la Capitale.  Elle n’avait pas encore fait la paix avec elle-même, mais au moins, elle savait que cette guerre la toucherait bien plus qu’elle ne l’aurait voulu.